Interrogée sur le plateau d’A2, le 31 mars dernier, pour savoir si, une fois la guerre russo-ukrainienne terminée, elle pourrait considérer à nouveau Vladimir Poutine comme un « allié », la présidente du Rassemblement national a répondu par l’affirmative, assortie d’un « bien entendu ».
Elle a ajouté qu’on pourrait avoir à nouveau besoin de l’aide du président russe, pour lutter contre le djihadisme. Elle devait penser que pouvait se renouveler ce qui s’est déjà produit en Syrie, où la brutalité russe a fait merveille en affichant cet objectif, en réalité un prétexte, cette opération ayant été déclenchée pour servir la Russie et pour des raisons géostratégiques : maintenir le dirigeant syrien au pouvoir.
Voilà donc la realpolitik. Il faut toujours ménager l’avenir, on ne sait pas ce dont on pourrait avoir besoin, la Russie est un grand pays, il ne faut pas se fâcher avec elle, aucune morale ne tient devant des rapports de force, etc. Le cynisme ici ne se cache pas, et on est bien édifié sur ce que ferait cette dame, si elle arrivait au pouvoir chez nous.
Elle voit la politique internationale de façon strictement utilitaire, comme un échange de bons procédés ou un renvoi d’ascenseur. Comme dit le proverbe tiré du Médecin malgré lui de Molière : « Passe-moi la rhubarbe, je te passerai le séné ». C’est ainsi d’ailleurs que tous les coquins du monde s’entendent entre eux.
Quant aux victimes du conflit, elle ne leur manifeste pas une particulière empathie. Il est vrai qu’elle la réserve aux seuls Français, qu’elle infantilise en les maternant.
En somme, au regard de sa réaction sur Vladimir Poutine, sa position se range à ce que soutenait Machiavel : l’important dans tout ce qu’on fait est le résultat, peu importent les façons d’y arriver. Bref, la fin justifie les moyens. Tout le reste est angélisme.
Je sais bien qu’Hegel par exemple critique dans sa Phénoménologie de l’Esprit la « belle âme », ou la « conscience malheureuse ». Il s’agit de tous ceux qui maintiennent encore une exigence morale dans l’action publique.
Ce débat est de tout temps. Ainsi Sartre dans Les Mains sales a voulu défendre l’idée que tous les moyens sont bons dans l’Histoire quand ils sont efficaces, peu importe qu’on s’y salisse les mains. Mais à côté de lui il y avait Camus, qui soutenait au contraire, dans Les Justes par exemple, que tous les moyens ne sont pas bons.
Je suis tout à fait de l’avis de ce dernier. Et je pense que si fondée que soit une conduite, l’usage de certains moyens suffit à la disqualifier. A fortiori quand il s’agit comme aujourd’hui d’une agression délibérée et d’une œuvre de mort. Les crimes commis par l’armée russe sont imprescriptibles, et suffisent à jeter définitivement l’opprobre sur celui qui les a ordonnés ou couverts. Tant qu’il restera au pouvoir, il doit être infréquentable. La morale ici n’est pas accessoire, elle est essentielle. Sauf à y perdre la dignité qui nous reste.
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