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e viens de lire qu’au Japon, pays où la population vieillit et où les solidarités familiales se défont, certaines personnes âgées volent dans les magasins des produits qu’elles auraient pourtant les moyens financiers d’acheter, uniquement pour être mises en prison et ainsi ne plus êtres seules.
Il s’agit surtout de femmes veuves : ainsi 20% des détenues japonaises sont des personnes âgées, la plupart du temps incarcérées pour des infractions mineures. Pendant la journée, elles bénéficient des soins d’auxiliaires de vie. Mais la nuit, c’est aux surveillants de se charger de ces tâches et de jouer ce rôle. En conséquence, leur travail s’alourdissant, le nombre de démissions de ceux-ci augmente. (Source : Slate.fr, 20/03/2018)
Ce m’est ici l’occasion de méditer sur la solitude. Il y en a de deux types : celle qui est choisie, car elle peut être très féconde et créative si on sait bien l’habiter, et celle qui est subie, cas des femmes évoquées plus haut. Dans ce dernier cas il vaudrait mieux parler d’isolement.
Il croît d’ailleurs dans le monde entier. On n’a jamais eu autant de contacts virtuels avec Internet, et autant d’absence de contacts réels, c’est-à-dire autant de situations d’isolement. Les « amis » de Facebook par exemple ne sont que des pseudo-amis. Quant au smartphone, s’il peut favoriser les contacts virtuels, il isole en tout cas de ses voisins physiques, en enfermant chacun dans une bulle schizophrénique. [v. Nomophobie, Smombie]
Certains aussi compensent leur sentiment d’isolement de façon bizarre. Ainsi, toujours au Japon, on voit fleurir les poupées d’amour en silicone (love dolls), qui ne sont pas seulement des objets sexuels, mais véritablement des êtres à l’image des humains, que certains hommes entourent de soins quotidiens. [v. Poupée]
Jusqu’à présent ce sont aussi les animaux de compagnie qui servent de doudous ou d’objets transitionnels, et permettent de rompre un peu l’isolement. À l’avenir, ce peut être aussi les robots, sur lesquels on fonde de grands espoirs. Mais si attentionné et écoutant soit un chien par exemple, ou bien sûr dans une moindre mesure un robot, cela remplacera-t-il un échange et un contact véritablement humains ?
Article paru dans Golias Hebdo, 2 avril 2018
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Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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