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lle est nécessaire, selon l’Église catholique, pour que le mariage soit valable. À Viterbo, en Italie, deux fiancés, âgés de 25 et 26 ans, devaient se marier. Mais un mois avant la célébration, un grave accident de la route priva le jeune homme de l’usage de ses jambes. Dès lors l’évêque du lieu annula la cérémonie, au motif d’« impuissance copulative », une des « raisons dirimantes » exprimées dans le droit canon, qui fonde le mariage sur l’acte sexuel opéré en vue de la procréation des enfants. (Source : site de L’Express, 11/06/2008).
Je ne sais si depuis la paralysie et l’impuissance du jeune homme ont pu disparaître, et si l’interdiction de l’évêque a pu être levée. Mais ce fait me semble significatif d’une position ecclésiale inflexible, qui n’est pas propre d’ailleurs au catholicisme.
Mais de quoi se mêlent les religions en l’espèce ? D’abord subordonner l’amour à la seule sexualité réalisée est le réduire bien souvent : les partisans de la Fin’amor, au Moyen-âge, cherchaient souvent dans l’épreuve de la chasteté volontaire un moyen de sublimer les pulsions par quoi l’homme tient de l’animal. Pensons aussi aux Condormants, qui à la même époque s’essayaient au « martyre blanc », épreuve consistant à coucher avec un partenaire de l’autre sexe pour vérifier si l’on était capable de garder la continence. Ou pensons encore, dans un autre contexte, au syneisaktisme des Pères du Désert, forme d’ascèse consistant en la cohabitation chaste avec une personne de sexe différent, dans le but de surmonter ses tentations charnelles.
Là est l’essence de tout l’amour courtois, qu’il ne faut pas balayer d’un revers de main, pas plus que l’amour dit « platonique ». Et d’ailleurs, l’Église elle-même ne fait-elle pas l’éloge de la virginité, avec son culte marial ?
En second lieu, subordonner la sexualité à la reproduction de l’espèce, c’est ravaler l’homme précisément au rang des animaux, chez lesquels ce lien est constant. Mais l’homme a disjoint sexe et reproduction, en inventant l’érotisme, qui est précisément sa spécificité. L’enjeu est le plaisir qu’on peut se donner mutuellement, qu’il serait bien barbare de vouloir refuser à ces pauvres êtres promis à la mort que nous sommes, durant notre bref passage sur cette terre.
Certes l’Église se contente de refuser l’« impuissance copulative », et ne va pas jusqu’à considérer, comme « raison dirimante » d’annulation d’un mariage, la stérilité. Mais le judaïsme orthodoxe voit dans cette dernière un motif de divorce, comme il se voit dans le film Kadosh, d’Amos Gitaï. Et on ne se demande même pas si elle ne vient pas de l’homme, dont on ne peut faire le spermogramme, depuis la condamnation biblique du péché d’Onan…
Laissons donc les interdits religieux où ils sont, et simplement ayons pitié de nous-mêmes !
Article paru dans Golias Hebdo, 16 août 2012
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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