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ors de l’excellente émission Ombres sur le Saint-Siège, diffusée sur France 5 le 24 septembre dernier, un prélat brésilien a accusé les religieuses états-uniennes, dans leur fronde contre le pouvoir papal, de manquer de « doctrine ».
En clair, il leur reprochait d’être simplement des féministes, voulant la parité avec les hommes, avec par exemple l’accès pour elles-mêmes à la prêtrise. De ce point de vue, ce prélat a oublié que Jésus lui-même n’a défendu jamais une doctrine quelconque. Celle-ci a été l’œuvre, au fil des siècles, des Institutions ecclésiastiques. Selon le mot de Loisy, qui l’a payé de son excommunication : « Jésus annonçait le Royaume et c’est l’Église qui est venue. »
Tout le message du Maître reposait, pour chacun, sur l’écoute du fond de son cœur, sur l’authenticité du regard porté sur les êtres, des paroles qu’on leur adresse, qui peuvent tuer ou régénérer, selon leur nature : « Ce qui souille l’homme n’est pas ce qui entre en lui, mais ce qui sort de lui. » (Marc 7/15 et 20 ; Matthieu 15/11 et 18) Nulle « doctrine » par exemple, au sens d’un corpus de règles à observer, dans ce mot de saint Augustin à un disciple qui lui demandait ce qu’il devait faire : « Aime et fais ce que tu veux. » (Dilige et fac quod vis)
... Cependant, s’il faut évidemment comprendre les religieuses en question dans leurs revendications, je crois qu’un minimum de doctrine est empiriquement nécessaire pour prévenir les conduites de tous ceux qui s’autoproclament disciples du Maître en court-circuitant toute connaissance réfléchie et pondérée de questions théologiques depuis longtemps débattues.
Je veux parler des Évangéliques, dont l’émission montrait bien qu’ils s’installent sans vergogne et sans doute aucun sur les décombres d’une Église traditionnelle agonisante. Ceux-là me semblent aussi dangereux dans leur fanatisme actuel et leur prosélytisme sommaire que celle-ci l’a été naguère dans ses certitudes assénées. [v. Dialogue]
Au fond, la doctrine est comme la langue d’Ésope : la pire et la meilleure des choses. La seule nécessité est, si on y a recours, de ne pas l’absolutiser en s’abritant par exemple, comme ont fait les Conciles, derrière les injonctions du Saint-Esprit. Doctrine, soit, mais aussi nécessité de son examen constant. C’est pourquoi, à mon avis, l’Église devrait être comme disent les Protestants, « toujours à réformer » (semper reformanda).
Article paru dans Golias Hebdo, 3 octobre 2013
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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