Il y a différentes façons de détruire un peuple. On peut de façon programmée l’éliminer physiquement. Mais on peut aussi détruire sa mémoire, qui est sa raison d’être, et pour cela s’en prendre à ses enfants, seule promesse pourtant pour lui de subsister dans le futur. C’est ce que fait actuellement en Ukraine Vladimir Poutine, qui n’en est pas à un génocide ou un crime contre l’humanité près.
Il a programmé des déportations d’enfants ukrainiens en Russie, afin qu’ils y soient « adoptés », en fait russisés. À ce jour, environ 16000 enfants ont été déplacés, pris dans des orphelinats ou dans des centres sociaux où ils étaient placés. Un décret du Kremlin du mois de mai 2022 officialise tout à fait ouvertement la chose, et c’est une première mondiale. Jusque là en effet il y avait bien eu dans tel ou tel pays des enlèvements ou vols d’enfants, mais la chose était cachée, et personne ne s’en vantait. Le décret en question stipule même que ces enfants peuvent changer de nom à volonté. Évidemment « reprogrammés » et endoctrinés à la sauce russe, ils ne seront plus ukrainiens, mais totalement russes, jusque dans le nom qu’ils porteront.
Ce qui fait une personne, c’est sa mémoire. Toucher au nom, qui en est le dépositaire, comme à la mémoire de traditions héritées depuis la naissance et qui expriment toute la culture d’un pays, est évidemment tuer une nation, et donc, littéralement, un génocide. Déjà en Union Soviétique Staline, obsédé par la sûreté de ses frontières, avait ordonné des déportations en masse de populations. Maintenant Vladimir Poutine a beau jeu de dire que l’Ukraine est elle-même russe, et aussi que sa mesure est humanitaire, car il veut en « dénazifier » les enfants ! Mais, hors le peuple russe déjà endoctriné, qui se laissera prendre à cette rhétorique ?
Le tyran russe, qui semble maintenant devenir religieux (à moins que ce ne soit que par opportunisme) devrait méditer la phrase évangélique : « Quiconque entraîne la chute d’un seul de ces petits qui croient, il vaut mieux pour lui qu’on lui attache au cou une grosse meule, et qu’on le jette à la mer. » (Marc 9/42) Je me suis longtemps demandé aussi ce que signifiait, dans ce même Évangile, le péché contre l’Esprit, le seul qui ne puisse être pardonné (Marc 3/29). Eh bien, il me semble que l’ogre du Kremlin dévoreur d’enfants, assassin de leurs petites âmes, est bien justiciable de ce péché irrémissible.
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