La Suisse vient de confirmer, au nom de son principe de neutralité, qu’aucune des armes et fabriquées dans le pays, ainsi que celles de même origine vendues à d’autres pays, comme l’Allemagne et le Danemark, ne devaient se trouver entre les mains des Ukrainiens en guerre. Au nom du même principe, elle a interdit aux États membres de l’OTAN de la survoler parce qu’ils fournissaient des armes à l’Ukraine. (Source : Swissinfo.ch, 20/12/ 2022) Et elle vient de détruire des batteries aériennes qui auraient pu servir à l’Ukraine (Source : Lemonde.fr, 13/03/2023)
Manifestement elle ne veut pas être accusée de cobelligérance, et elle veut être tenue à l’écart de tout conflit militaire impliquant d’autres pays que le sien.
Il est certain que la neutralité a, depuis le Congrès de Vienne il y a plus de deux siècles, permis à la Suisse de connaître constamment la paix. Combinée à une armée performante, on comprend que cette situation lui procure beaucoup d’avantages et de confort, et qu’elle puisse y tenir.
Pourtant, si on l’examine de l’extérieur et d’un point de vue moral, elle fait abstraction de l’existence d’un prochain, qui peut avoir besoin de nous pour l’aider, ainsi qu’on le voit dans la belle parabole évangélique du Bon Samaritain. L’Ukraine souffre d’avoir été agressée par une puissance étrangère. La non-assistance à une personne en danger est bien ordinairement punie par la loi : pourquoi ne pas élargir la chose à un pays lui-même ? C’est affaire de valeurs communément partagées ou partageables, et non de calcul ou de realpolitik.
La position suisse revient à dire, en somme : « Que les autres se débrouillent, nous ne nous occupons que de nous-mêmes, et nous ne voulons pas savoir ce qui se passe hors de nos frontières. » On pense à la locution proverbiale latine : « Pereat mundus, dum ego salvus sim ! – Périsse le monde, pourvu que, quant à moi, je sois en sécurité ! » Il y a là une méconnaissance d’un minimum d’humanité, un manque évident d’empathie. On connaît la phrase de J.-L. Godard : « Le drapeau suisse, c’est le sang des autres, avec une croix dessus ! »
Mais même si on abandonne le point de vue moral, d’un seul point de vue pratique on peut se poser la question de savoir si la meilleure sécurité aujourd’hui, dans un monde de plus en plus dangereux et imprévisible, ne pourrait être obtenue par la collaboration avec les autres, plutôt que par le repliement sur soi.
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