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a Lettre d’origine évangélique que je reçois régulièrement, dont j’ai déjà parlé dans Golias Hebdo, se demande cette semaine comment il faut rendre un culte à Dieu.
Et la réponse est bien simple : « Ce que Dieu veut, c’est que nous lui rendions un culte qui Lui soit agréable. »
Cette Lettre ne me déçoit jamais. Quelle prétention, me suis-je dit, à s’imaginer savoir « ce que Dieu veut » ! Mais le rédacteur ne s’embarrasse pas de doutes. Évoquant le sacrifice du Fils, il écrit : « Dieu a fait sa part en payant le prix fort, en offrant son fils unique pour le salut de tous. Et nous avons la nôtre à faire en acceptant le cadeau. » Quant à ceux qui sont rétifs à accepter cette nouvelle, il conclut tout bonnement : « Pendant ce temps, l’heure tourne et Dieu regarde sa montre avec peine… » Je pensais jusque là que cette Lettre n’était pas destinée aux seuls enfants !
Ces derniers sont pourtant en grand nombre. On leur dit bien souvent qu’ils doivent « faire plaisir » à leurs parents. De façon comparable l’idée d’un culte devant être « agréable » à Dieu est générale chez les rédacteurs de la Bible. Pensons au « sacrifice que Dieu accepte et qui lui est agréable, et qui a un parfum de bonne odeur. » (Philippiens 4/18)
Cette idée ensuite est reprise dans le canon de la messe romaine. L’offrande de la victime sur l’autel du sacrifice doit être agréée comme le furent celles d’Abel, d’Abraham, et du pontife Melchisedech : il s’agit de se concilier les bonnes grâces d’un Dieu potentiellement terrible (l’Offertoire romain dit même qu’il faut l’« apaiser », placare en latin), en le flattant obséquieusement, à la manière d’un courtisan. L’image de Dieu ne sort pas grandie de cette vision.
Voltaire le disait bien : « Si Dieu a fait l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu. » En fait, outre l’infantilisme qu’implique cet anthropomorphisme, c’est aussi un cas typique d’idolâtrie, qui consiste à enfermer la divinité dans une image purement humaine.
On ne rendra pas justice à l’Inconnaissable en lui prêtant ainsi des sentiments humains, et en particulier un des plus bas parmi les sentiments humains : un goût pour la flatterie et un incessant désir d’applaudissements. Comme dit Valéry dans son Ébauche d’un serpent : « Ô vanité, cause première ! »
En outre, il y a là aussi une inconséquence : car si Dieu a des sentiments humains, il n’y a pas de raison qu’il n’en ait pas aussi d’autres que celui-là : en particulier du mépris pour des créatures si viles qu’elles passent toute leur vie à s’aplatir devant lui.
Finalement, l’absurde théologie évangélique me semble corroborer la définition que Borges donnait de la théologie : « Une branche de la littérature fantastique. »
Article paru dans Golias Hebdo, 19 novembre 2020
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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