C’est la construction d’une croyance à partir d’éléments appartenant à des religions différentes. C’est le cas de ce que je viens d’apprendre à propos de la chanteuse Tina Turner, décédée le 24 mai dernier. Elle se considérait en effet, à la fois comme baptiste, du fait de ses origines protestantes afro-américaines, et aussi bouddhiste, par sa conversion à l’aube des années 1970. Elle pratiquait à la fois les prières chrétiennes, et la méditation avec récitation de mantras. (Source : regardsprotestants.com, 26/05/2023)
Je me demande pourtant comment on peut faire un si grand écart et le vivre harmonieusement. Le bouddhisme en effet enseigne la suppression de la souffrance par l’extinction du désir, et l’impermanence de toutes choses : il n’y est jamais question d’un dieu auquel on serait lié par un quelconque contrat. Dans la pureté de son type ce n’est rien moins qu’une sagesse athée. Le christianisme au contraire assume la vie et la souffrance, incarnées par exemple par la Passion du Sauveur, et ne cesse aussi de se référer à un dieu transcendant avec lequel on entre en relation personnelle. Les deux me semblent fort difficiles à unir, ils diffèrent comme l’eau et le feu.
À moins que ce soit la seule idée de compassion que l’on retienne, et qui est effectivement commune aux deux religions. Ou encore que ce soient les pratiques rituelles elles-mêmes qui séduisent, parce qu’en elles on peut trouver calme et paix. Alors ce serait le corps plutôt que l’esprit qui serait en question, et la forme extérieure des choses plutôt que leur signification.
Mais si l’on veut en quelque sorte unifier l’esprit et le corps, avoir une certaine cohérence entre ce que l’on pense et ce que l’on pratique, alors il faudrait, si l’on est chrétien et si l’on est tenté par la sagesse orientale, se séparer de la couche eschatologique traditionnelle du christianisme, pour n’en recevoir que les paroles de sagesse concernant le hic et nunc. À cet égard, un certain enseignement de Jésus convient tout à fait : tout ce qui concerne la dépossession de soi, le non-agir (les oiseaux du ciel et les lys des champs), l’intériorité du Royaume... Tout cela rencontre bien le bouddhisme, et l’on pourrait avoir alors un syncrétisme cohérent. Mais cela se ferait au prix d’une sélection rigoureuse dans un texte biblique dont on ne pourrait plus vanter l’inerrance.
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