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os députés viennent d’adopter une proposition de loi qui vise à reconnaître le vote blanc et à le distinguer du vote nul aux élections (Source : 20minutes.fr, 22/11/12).
Cette décision me réjouit, car j’ai toujours pensé que voter blanc était un acte positif, consistant à dire que rien dans les offres qui nous sont faites ne nous satisfait, et que l’assimiler au vote nul, c’est-à-dire sans importance ou non avenu, était une escroquerie. Jusqu’à présent, il n’y avait qu’une injonction comminatoire : ou bien vous votez pour quelqu’un que l’on vous impose, ou bien votre vote ne comptera pas. En fait les dés étaient pipés, au sens où l’on n’avait pas véritablement le choix d’exprimer son opinion, fût-elle perplexe ou indécise. C’est le propre des régimes totalitaires que de mettre ainsi le couteau sous la gorge aux électeurs. Ou bien vous choisissez l’establishment, ou bien vous n’avez rien et ne comptez pour rien !
Il y a une phrase prêtée à Jésus dans l’Évangile qui m’a toujours choqué : « Qui n’est pas avec moi est contre moi. » (Matthieu 12/30 ; Luc 11/23) Je ne sais s’il l’a effectivement prononcée, et j’aimerais bien qu’il ne l’ait pas fait. Mais s’il l’a dite réellement, je ne puis être d’accord avec cette formulation, qui est d’un fanatique et qui elle aussi procède d’un esprit totalitaire : ou bien nous suivons le Maître, ou bien nous ne sommes rien. Pas de choix réel ou de « vote blanc » possible dans cette situation.
Et pourtant je suis bien d’accord avec cette si belle phrase du préfet romain Symmaque, sceptique en matière religieuse :
« On ne peut atteindre un si grand mystère par une seule voie » (Uno itinere non potest perveniri ad tam grande secretum).
Rien de plus sage que cette position. Comme le dit aussi mon cher Montaigne : « Il n’y a que les fols certains et résolus. »
Au fond, si je pratiquais ici une controverse biblique, ce que les rabbins appellent un pilpoul, j’opposerais à la phrase évangélique précitée cette autre, beaucoup plus ouverte il me semble : « Il y a beaucoup de demeures dans la maison du Père » (Jean 14/2). Cela ferait réfléchir précisément les demeurés, les esprits étroits, qui n’offrent au choix du croyant qu’un éventail bien restreint.
En somme le « vote blanc » en matière religieuse, par la perplexité qu’il exprime, est tout à fait propre à préserver du manichéisme simplificateur, qui force l’adhésion et exclut celui qui ne s’y résout pas.
... Exactement comme cette nouvelle mesure électorale pourra faire réfléchir les politiques sur le contenu de l’offre qu’eux-mêmes nous proposent.
Article paru dans Golias Hebdo, 6 décembre 2012
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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