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n en a beaucoup besoin, en cette époque de pandémie, qui fait tant de victimes, dont évidemment il faut se garder d’augmenter le nombre.
C’est pourtant ce qu’ont oublié les évêques français, réunis en visioconférence pour leur assemblée plénière d’automne, qui ont demandé au Conseil d’État l’autorisation d’ouvrir les églises pour permettre aux fidèles d’assister à la messe (Source : liberation.fr, 04/11/2020).
Finalement ils ont été déboutés. Mais cette initiative est significative d’un certain esprit. L’épiscopat français s’est comporté ici comme un lobby clérical, se situant aux antipodes du moindre impératif civique. Il s’est sûrement placé à la remorque des contestataires du confinement, aux motivations très disparates, mais surtout de la mouvance traditionaliste, qui n’a pas hésité à s’adonner à Versailles et à Nantes à des prières de rue, pour contester la décision de justice et incarner une désobéissance civile (Source : francetvinfo, 10/11/2020).
La messe dans sa seconde partie, la plus importante, est manifestement un sacrifice : une victime (hostia) est immolée sur l’autel (altare) et offerte à Dieu. Ces pratiques cultuelles sont bien sûr immémoriales. Mais c’est justement ce que le livre d’Osée, et à sa suite Jésus ont mis en question, car dans le sacrifice on peut oublier la nécessaire compassion : « C’est la compassion que je veux, et non le sacrifice » (Osée 6/6 – Matthieu 9/13 et 12/7). Dans la situation sanitaire actuelle, la revendication pour célébrer et entendre la messe en assemblée est manifestement aux antipodes de la compassion, ou de la prudence compassionnelle, et les évêques qui l’ont formulée manquent non seulement de civisme, mais aussi de la mémoire de leurs textes.
Aussi bien auraient-ils pu se souvenir des critiques que fait Jésus du ritualisme. La messe chrétienne, comme le sabbat pour les juifs, est une pratique rituelle dont il faut évidemment relativiser l’importance, quand les circonstances l’exigent, ce qui est bien le cas aujourd’hui : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat. De sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat » (Marc 2/27-28)
Que n’ont-ils eu ce passage présent à leur esprit, nos évêques contestataires qui ont mis la messe au-dessus de tout ! Que ne se sont-ils dit, dans les circonstances présentes, que la messe est faite pour l’homme et non pas l’homme pour la messe !
Article paru dans Golias Hebdo, novembre 2020
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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