Il consiste dans la reprise de la forme d’un objet, qui à l’origine a un contenu évident, mais qui dans l’opération est totalement dépossédé de ce contenu, de façon que n’en restent que les caractéristiques formelles. Ainsi définalisé, il ne s’adresse qu’aux yeux, l’esprit n’en voyant plus l’adéquation à la fonction initiale. Et dans ce changement d’usage on trouve l’amusement, le fun.
Ainsi près de Lille le diocèse a mis en service une mini-cathédrale gonflable à l’usage des enfants. Elle a toutes les caractéristiques d’une vraie cathédrale : en façade croix et image de la Vierge à l’enfant, et vitraux à l’intérieur. Elle peut accueillir jusqu’à une dizaine d’enfants, qui doivent apprécier de « jouer, sauter et rebondir dans une église. » (Source : france3-regions.francetvinfo.fr, 17/09/2023)
Il me semble que précisément cette invitation faite aux enfants de « jour, sauter et rebondir dans une église » peut les habituer à ne voir dans cette dernière qu’un lieu de plaisir, si ce n’est pas de divertissement. Disparaîtraient alors le sérieux de la foi, ou au moins la nécessaire méditation sur la vie, à laquelle l’image de toute église est par principe associée. On me dira que les enfants plus tard, devenus adultes, pourront les retrouver. Je voudrais le croire, mais n’en suis pas sûr, car toute la civilisation contemporaine pousse à ne rien prendre au sérieux, cherche la vie légère, dans l’amusement d’un humour généralisé, euphorique et convivial. Rien ne doit toucher profondément, le moindre soupçon de négativité doit être très vite oublié.
L’Église elle-même a fait son aggiornamento dans ce sens. Tout ce qui induisait la tristesse a été gommé. Par exemple, le sacrement de pénitence a été transformé en sacrement de réconciliation. La première suscitait la culpabilité, tandis que la seconde rend plus serein. On bannit tout ce qui rappelle à l’homme ses limites, quitte à le rendre aveugle à ses propres gouffres, c’est-à-dire unidimensionnel. Dirai-je que la vallée de larmes du Salve Regina est devenue une succursale du Club Méditerranée ?
Tout cela est en accord avec le règne du kitsch, qui est proprement l’art qui satisfait la conscience heureuse, qui pour ce faire lutte contre toute transcendance, en somme : L’Art du bonheur. C’est ainsi que je l’ai moi-même décrit dans l’ouvrage que je lui ai consacré : Le Kitsch, éd. BoD, 2020.
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