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est le fait de vouloir amener les autres à ses propres croyances. C’est une tendance très répandue.
Ainsi en christianisme lit-on ces paroles, mises dans la bouche de Jésus ressuscité : « Allez donc, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » (Matthieu, 28/19)
Je doute que Jésus ait pu utiliser cette formulation trinitaire, le dogme de la Trinité s’étant imposé bien plus tard. Mais l’idée est bien qu’il faut évangéliser, baptiser, convertir, s’en donner la mission. C’est ce programme que le pape actuel a repris d’ailleurs lors de sa dernière visite aux Philippines, en décrétant l’Asie « terre de mission ».
Le partisan du prosélytisme croit naturellement être dans le vrai, et que les autres sont dans l’erreur, ce qui est une manifeste preuve d’orgueil pour soi-même, et de dépréciation pour les autres.
Tant qu’il veut convaincre par la seule parole, il n’est peut-être pas dangereux, encore qu’une vraie discussion ne doive pas à mon avis supposer dès qu’elle s’engage la conclusion où elle aboutira.
Mais très vite il peut user de la force pour parvenir à ses fins. C’est le fameux « contrains-les d’entrer » (compelle intrare) qu’Augustin a utilisé contre les Donatistes, en utilisant à sa propre façon un passage évangélique : « Le maître dit alors au serviteur : ‘Va sur les routes et dans les sentiers, et force les gens à entrer, afin que ma maison soit remplie’. » (Luc, 14/23)
Derrière ce sinistre « compelle intrare » se profilent toutes les tortures et tous les bûchers à venir, par quoi on a tout au long des siècles voulu réduire tous les ennemis des dogmes officiels : anathèmes et hérétiques.
Bien sûr, les crimes des prosélytes, comme le mépris qu’ils peuvent avoir pour les non-croyants, ne sont certes pas le propre du christianisme. On ne les dénoncera jamais assez.
Qu’on pense avoir soi-même trouvé le vrai, je peux le comprendre, bien que la phrase de Pilate : « Qu’est-ce que vérité ? » (Jean, 18/38) me semble extrêmement profonde. Qu’on veuille le crier sur les toits, passe encore. Mais qu’on veuille l’imposer aux autres, et très souvent manu militari, est inacceptable.
Si l’on veut qu’ils nous imitent, il vaut mieux leur en donner envie par l’exemple : il n’y a de vraie conversion que par contagion. Il faut juger un être non d’après ce qu’il dit, mais d’après ce qu’il fait : nous donne-t-il ainsi le désir d’être comme lui, ou non ?
Aussi, avant de s’occuper des autres, il faut s’occuper de soi-même, selon la belle phrase de Gandhi : « Soyez vous-mêmes le changement que vous voulez voir dans le monde. »
[v. Orthopraxie]
Article paru dans Golias Hebdo, 29 janvier 2015
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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