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n exemple frappant de son pouvoir sur les hommes est celui de la ville de Nazareth, lieu de naissance de Jésus selon les rédacteurs des évangiles.
Il semble bien en effet que le nom de « Nazareth » provienne d’une erreur de traduction de « Jésus le Nazaréen », ce terme renvoyant simplement à une secte baptiste proche des Esséniens, par quoi le Coran encore nomme les chrétiens. Nazareth n’aurait été édifiée qu’au ive siècle à l’intervention de la mère de l’empereur Constantin. Les pèlerins chrétiens voulaient visiter Nazareth, qui n’existait pas à l’époque de Jésus. Pour les contenter, on aurait créé Nazareth, ou rebaptisé ainsi un village existant. (Source : Wikipedia – Discussion : « Nazareth »)
Il ne faut pas s’en étonner. Ce ne serait pas la première fois qu’un lieu tiendrait son existence d’un texte préexistant ou d’une œuvre antérieure. Je pense à la municipalité de Montauban qui a pris la décision de baptiser un rond-point du nom des Tontons flingueurs, par allusion au film célèbre de Georges Lautner, et à la phrase qu’y prononce Lino Ventura : « On ne devrait jamais quitter Montauban ! » qui hante les mémoires de tous. Il y a aussi dans cette ville un bar dénommé « Lulu la Nantaise », personnage dont il est question dans ce film, lors de la fameuse scène de la « biture » dans la cuisine. Je gage que dans quelques années les nouvelles générations verront dans tout cela la commémoration de faits et personnes ayant véritablement existé.
En attestant l’inscription historique et topographique d’un événement, on pense lui donner du poids. Ainsi pour le lieu non plus de la naissance de Jésus mais de son baptême, l’Unesco vient d’inscrire au titre du « Patrimoine de l’humanité » le site du Jourdain à Béthanie où le fait est supposé s’être passé. Mais l’important ici n’est pas le lieu : c’est la réalisation du psaume d’intronisation (2/7 : « Tu es mon fils ! »), c’est-à-dire le fruit d’un travail sur le Texte ancien, qu’on réactualise par midrash.
Évidemment les pèlerins vont là aussi, comme à Nazareth, se presser en masse, pensant que le lieu de l’événement en garantit le sens. Mais ont-ils conscience que l’événementiel dans tout cela n’est que de l’histoire racontée, du storytelling ?
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Article paru dans Golias Hebdo, 10 mai 2018
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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