J’ai regardé sur la chaîne LCP l’émission Le Dieu de la Mafia, diffusée le 18 décembre dernier. On y voyait la fréquente collusion entre l’Honorable société et l’Institution ecclésiale. Ces liaisons dangereuses s’expliquaient par la ressemblance des rites d’inclusion, l’adhésion à la mafia se faisant à la façon du symbole chrétien du s sang versé, le candidat garantissant son engagement par une goutte du sien. Mais surtout par une utilisation particulière du sacrement de pénitence (ou de réconciliation).
C’est un processus, comme beaucoup de rites en catholicisme, essentiellement magique. Les paroles prononcées par le prêtre sont auto-réalisatrices, ou performatives. Elles font advenir ce qu’elles énoncent, c’est-à-dire la suppression réelle des fautes avouées par le pénitent. Le prêtre dans ce cas agit in persona Christi, en tant que personne même du Christ. Son pouvoir d’absoudre est celui de Dieu même. Il est sans limite, et à sa totale discrétion. Il tire sa force de la confiance qu’on lui fait, et il est la porte à beaucoup d’abus. On comprend que les protestants l’aient refusé, depuis Luther et l’affaire des Indulgences. Un pasteur aujourd’hui ne dirait pas comme le prêtre « Je t’absous… », mais au mieux : « Que Dieu te pardonne ! »
Mais l’Italie est catholique, et la Mafia s’est engouffrée dans cette vision magique du sacrement, qui favorisait sa propre activité. On pouvait accomplir les pires méfaits, on était sûr qu’en les avouant à un prêtre, avec quelque regret bien sûr de ce qu’on avait fait, on s’en trouverait délivré, et à l’abri de toute représailles, puisqu’on bénéficiait du secret de la confession. Le prêtre quant à lui pensait ne pouvoir refuser de sauver une âme en péril, ce qui aurait contredit sa conscience. Il ne pouvait non plus conseiller au pénitent de livrer ses complices, car cela aurait été se rendre coupable de la délation, la pire faute pour un mafieux, assimilée à la trahison de Judas. Absous une fois en attendant la prochaine, il pouvait ne rien changer à sa conduite, une arme dans une main, et la Bible dans l’autre.
Bien sûr l’Église depuis a évolué, et le pape a condamné la mafia. Mais il n’a pas été jusqu’à mettre en question le présupposé qui pouvait rendre objectivement complices le délinquant et son confident : la vision magique d’un rite attestant un pouvoir divin, séparé de toute justice proprement humaine.
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