Le 3 février 2025, le pape Léon XIV, alors cardinal Robert Francis Prevost, a partagé un article d’opinion, sur son compte X, du site catholique National Catholic Reporter, intitulé : « J.D. Vance a tort : Jésus ne nous demande pas de hiérarchiser notre amour pour les autres. » (Source : huffingtonpost, 09/05/2025)
Il faisait allusion à des propos du vice-président américain justifiant la politique anti-immigration du gouvernement Trump par une référence supposée catholique. Instrumentalisant un précepte augustinien appelé « ordo amoris » (« l’ordre d’amour »), J.D. Vance, converti au catholicisme en 2019, a affirmé que la charité d’un chrétien devait en priorité bénéficier à ses proches et à ses concitoyens, et non aux étrangers. (Même source)
À l’évidence c’est le pape actuel qui a raison, car on ne trouve dans les textes chrétiens aucune référence à une telle hiérarchisation de l’amour. Il suffit par exemple d’évoquer la parabole évangélique du Bon Samaritain pour se persuader du contraire : le prochain est celui qui m’est directement proche, vers lequel va mon empathie spontanée, non celui avec qui j’ai un lien d’appartenance prédéterminé, un parent ou un coreligionnaire par exemple. Pareillement le prologue de l’évangile de Jean dit que ceux à qui le Verbe a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu « ne sont pas nés du sang, ni d’un vouloir de chair » (1/13). « Sang » et « chair » supposent l’appartenance particulière à une famille ou à une ethnie : la leçon ici est au contraire universaliste. C’est le fond du christianisme, et on n’y peut pas hiérarchiser l’amour.
C’est pourtant ce que font beaucoup de mouvements idéologiques repliés sur eux-mêmes, et potentiellement xénophobes : Je préfère mes enfants à mes cousins, mes cousins à mes amis, et mes amis aux étrangers. Ce peut être le slogan non seulement du néo-catholicisme conservateur états-unien, mais aussi de maints mouvements populistes d’extrême droite de par le monde, dont le Front National chez nous.
On mesurera, en regard et à l’inverse, combien est belle et juste cette citation universaliste de Montesquieu : « Si je savais quelque chose qui me fût utile, et qui fût préjudiciable à ma famille, je la rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l'oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable au genre humain, je la regarderais comme un crime car je suis nécessairement homme et français que par hasard. »
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