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22 octobre 2010 5 22 /10 /octobre /2010 17:19

¨(Extraits de mes ouvrages)

Voici le début du chapitre L'objectivation de mon récent ouvrage Une voix nommée Jésus – L'Évangile selon Thomas. Il indique la voie essentielle à suivre quand on veut progresser sur le plan de la spiritualité :

 


 

Jésus a dit : ‘Connais ce qui est devant ton visage, et ce qui t’est caché te sera dévoilé, car il n’y a rien de caché qui n’apparaîtra.’ (EvTh 5)

 

Nous ne voyons que très rarement les choses telles qu’elles sont, objectivement, sans projection d’aucune sorte. Tout se pare d’habitude des prestiges de nos attentes ou nos espoirs, ou bien se déforme selon nos angoisses ou nos peurs, ou bien encore se mélancolise selon nos regrets. Il faut donc qu’un beau jour nous décidions de ne rien projeter sur les choses, de les voir simplement telles qu’elles apparaissent. Le lait versé est versé : rien ne sert de regretter l’instant d’avant où il ne l’était pas. Voyons-le, simplement. Il n’est que ce qu’il est maintenant, hic et nunc. Sa forme même sur la table est inépuisable, observe-la bien. L’aléatoire déjoue tous tes calculs, toutes tes prévisions. Et en même temps, dans l’intensité de ta vision absorbée ou nettoyée, il prend une sorte de nécessité.

Les choses sont ce qu’elles sont, voilà tout – ce qui ne veut pas du tout dire que nous n’avons rien à en apprendre, c’est même tout le contraire. Mais une fois enfin absorbés dans l’évidence, qui est si riche au fond, nous pouvons trouver cette grande joie de l’acquiescement, du oui donné au monde. Nietzsche l’a bien montré : dans l’évidence les vies dansent.

Si l’on sait ouvrir grands les yeux, on se libère de la peur, et l’apaisement peut se trouver, y compris dans les relations avec les autres. Il y a en effet des cas où la simple peur de voir ce qui est devant soi (« connais ce qui est devant ton visage ») engendre agressivité et violence. Par exemple la maltraitance dont sont victimes les personnes âgées vient très souvent de la peur qu’on peut éprouver, qu’on soit soignant ou autre, à simplement les regarder. On sait que de la peur à l’agressivité le chemin est facile. Plus un chien éprouve de peur en lui, par exemple plus petit il est ou se sent, plus fort il aboie et montre ses crocs. Le plus grand respect à montrer à un corps ou un visage disgracié est de lui faire simplement le cadeau de notre regard : quelle surprise alors à lire dans ces yeux une immense reconnaissance pour ce si petit hommage !

Mais nous sommes prisonniers de notre mental, nos pensées circulent en nous comme des singes qui dans l’arbre volent de branche en branche. Angoisses et espoirs, attentes et regrets, nous les suivons du regard, nous leur sommes asservis. Ou encore c’est comme quand nous suivons une femme dans la rue : on ne s’appartient plus, on est décentré. « Mes pensées, ce sont mes catins », dit Diderot dans Le neveu de Rameau. Mais c’est là rêvasser, ce n’est pas penser, être concentré, centré sur la vision claire et actuelle des choses. « L’âme absente occupée aux Enfers », dit Valéry de la rêveuse.

Écoutons donc ici ce que dit ce logion 5 de l’EvTh, qui nous invite à ouvrir grands nos yeux sur ce qui se trouve devant nous.

Toutes les sagesses du monde insistent sur la nécessité de ce centrage. Il faut mourir au mental pour naître au présent pur, sous le signe de l’esprit. La destruction du mental est la grande tâche : si ton mental vit, tu meurs ; si ton mental meurt, tu vis, dit-on en Inde. C’est ainsi qu’on peut comprendre le v. 2 de notre logion : « Connais ce qui est devant ton visage ». C’est-à-dire ne cherche pas ailleurs, ce que tu vois suffit. Connaître, disait Claudel, c’est co-naître, naître avec. Épuise vraiment ce que tu vois, mais commence par t’y intéresser. Le reste n’est que ronronnement mental. (pp.107-109) 

 


 

Couverture recto, résolution Internet jpg

 

→ Voir aussi : Adhérer à l'instant présent.

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20 octobre 2010 3 20 /10 /octobre /2010 16:51

 ¨(Extraits de mes ouvrages)

Je sais fort bien que d'après les textes la mère de Jésus, même si on admet qu'elle l'a enfanté étant vierge (scénario dont je donne dans mon livre Les Deux Visages de Dieu une explication symbolique), ne l'est pas restée ensuite. Ainsi Luc dit qu'elle a accouché dans une crèche de "son fils premier né" (2/7). Ce qui veut dire qu'elle a eu ensuite d'autres enfants. D'autre part, les textes font bien mention de "frères et de sœurs" de Jésus (Matthieu 12/47 ; Marc 3/32 ; Luc 8/20).

Cependant je reproduis ici la fin de mon chapitre Vierge Marie ? de mon ouvrage. J'y défends dans le cas de Marie, sinon une virginité définitive, au moins une chasteté de prudence, et je la "salue" pour ne pas avoir voulu suivre le lot commun, où très souvent, comme le sable du désert recouvre les Pyramides d'Égypte, le spirituel s'anéantit dans le biologique. Voyez par exemple l'atmosphère de nursery qui clôt, très ironiquement à mon sens, l'épopée grandiose de Guerre et Paix.

Ce chapitre est le seul dans ce livre qui ait fait "tiquer" mes amis protestants, et on comprend bien pourquoi, insurgés qu'ils sont contre la mariolâtrie. Je ne pense pas pourtant que ce soit un vieux réflexe catholique qui me l'a fait écrire : je n'ai fait qu'y suivre, il me semble, le penchant de ma propre sensibilité. Trouvera-t-elle un écho dans la vôtre ?  

 


… Mais la virginité de Marie, disent aussi les critiques hostiles au chris­tianisme, conduit à séparer en sa figure maternité et plaisir. Il est vrai que depuis deux mille ans on a pu faire cette disjonction, et l’imposer aux femmes. Il y a d’un côté les mères, et de l’autre celles qui ont vie et épanouissement sexuels. Évidemment les secondes sont mal vues et inférieures aux premières. En pays latin, le fils ne peut pas penser que sa mère ait eu dans sa vie à un quelconque moment un quelconque plaisir sexuel. – Certes...

Qu’est-ce que cela veut dire, « épanouissement sexuel » ? Peut-être là encore faut-il dépasser encore une fois le déterminisme, dans un autre ou un nouveau de ses aspects, c’est-à-dire la physiologie ou l’élémentaire du plaisir. Naguère c’est maternité et famille qui tyranni­saient. Aujourd’hui, c’est le dictat du plaisir immédiat et l’injonction du corps à tout prix. Mais l’esprit enveloppe le corps aussi. Subir le corps est le suivre. Être chaste (pas toujours et pas pour tous peut-être...), le dominer. Comme parfois on a les yeux plus grands que le ventre, ainsi le désir peut excéder le corps. L’être aimé, même présent, nous manque sou­vent. Éprouver cette absence, cet abîme, c’est véritablement être troué... – Peut-être pas la plupart du temps, certes. Nous fuyons l’infini que nous portons en nous...

Mais parfois il y a du courage à refuser le lot commun, s’agît-il même du plaisir, tel qu’aujourd’hui on le revendique, au bénéfice d’une ambition plus haute qu’on se fixe. C’est peut-être ce que Marie a dû se dire. Aimer et être aimée comme personne d’autre avant soi, à sa propre fa­çon, inouïe. L’amour platonique, au moins en tant qu’étape, n’est pas forcément sacrificiel. C’est parfois la plus grande exigence. La part de Marie qui pense, « la songeuse », est là (Lc, 2, 19 : « Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur »). C’est là le choix de la « virginité », choix symbolique bien sûr. Et il n’est pas question ici évidemment de « morale ». Virginité ou chasteté ne sont ici que la prudence du désir, le refus de le clôturer, ou de l’achever dans tous les sens de ce mot.

La doxa ici est insuffisante. Dans la vie, à l’inverse de ce qu’on croit ou dit souvent, les absents ont toujours raison. Loin des yeux, près du cœur. Mieux vaut parfois jamais que tard. Et les fruits passent-ils la promesse des fleurs ?

Anorexie mentale de certaines jeunes filles, anorexie sainte des mystiques… C’est une autre faim qui les affecte. Il y a des refus qui sont des recherches d’autre chose, de plus haut. Le suicidé lui-même est celui qui veut vivre – mais autrement. Comme un paysage traversé de nuit (en train ou autre…), nous laisse deviner ce qu’il pourrait être de jour, ainsi nos rencontres les plus banales ou même les plus sordides nous laissent pressentir parfois quelque chose qui les dépasse, et qu’il vaut la peine de chercher. À supposer même que cela ne soit pas, qu’est-ce que cela change ? Ce qui n’a pas de sens a peut-être un sens supérieur à ce qui en a.

Marie a sûrement choisi intérieurement son sort – autant qu’elle a été choisie. Le texte évangélique est curieux à cet égard. Elle demande à l’ange comment la chose annoncée pourra se faire, puisque, dit-elle, elle ne connaît pas d’homme. Mais prenons garde que le texte grec et sa traduction latine ont ici des présents duratifs. Lc 1, 34 : « Marie dit à l’ange : comment cela se fera-t-il, puisque je ne suis pas en état de connaître un homme ? » (gr. epei andra ou gignôskô   – lat. quoniam virum non cognosco).  C’est sûrement une définition ou une essence, plus qu’une position circonstancielle. Si elle avait voulu dire qu’elle n’avait pas encore connu d’homme, il y aurait en grec un aoriste, et en latin un parfait : egnôn, cognovi. Cela aurait été normal d’ailleurs de la part d’une « fiancée », dont la position est provisoire : vierge, peut-être, mais seulement en attendant... Mais le présent ici veut peut-être ou sans doute dire : mon état est de ne pas connaître d’homme, c’est ma nature, ou ma vocation, je le sais depuis toujours. La Bible Mared­sous traduit de façon bien intéressante : « Je ne veux pas connaître d’homme ». Les théologiens parleront de la triple virginité de Marie, avant (la concep­tion), pendant (la naissance), et aussi après. Ce sont les trois étoiles sur son manteau dans les icônes. Là évidemment on est dans le symbolique, les choix ou les scénarios de vie offerts à chacun, non dans le littéral, qui est ridicule.

Superficialité peut-être ici des protestants (ou de certains d’entre eux…), qui pensent que la virginité n’est pas une vocation définitive et substantielle, constitutive, de Marie. Lecture bien approximative ou hasardeuse du texte évangélique en tout cas, curieuse de la part de qui veut scruter le texte seul.

Marie a laissé la vie ordinaire aux autres. Mais est-ce une vie ? Comme Armande dans Les femmes savantes de Molière, elle a peut-être voulu autre chose que le lot commun. Ce choix n’est pas sans intérêt. Godard l’a bien vu, dans son film Je vous salue Marie. C’est d’un amour plus pur qu’il est ques­tion. Faisons comme lui. Rêvons. Pour autant aussi tous ces textes sont des rêves. Rêvons donc sur des rêves. Sur ces songes qui ne sont que des songes… Et pour cela, aussi, saluons Marie. (pp.91-93)


 

DVD, pub Albin Michel 

 

Pour voir la quatrième de couverture, cliquer ici.

Pour voir la Table des Matières, cliquer ici.

Pour voir le résumé du livre, cliquer ici.

Pour lire une conférence de présentation de ce livre, cliquer ici.

 

→ Nota : cet ouvrage est maintenant épuisé chez l'éditeur. On peut encore se le procurer en me contactant directement. Pour cela, me laisser un message sur ce site, en cliquant sur : Contact.  

 

 

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15 octobre 2010 5 15 /10 /octobre /2010 23:21

 ¨(Extraits de mes ouvrages)

Voici un extrait du chapitre Consubstantiel au Père de mon ouvrage Les deux Visages de Dieu – Une lecture agnostique du Credo :

  


L’homoousie, la consubstantialité du Père et du Fils, n’est d’ailleurs pas dans les textes initiaux des évangiles. Gardons-nous de les lire à la lu­mière des dogmes ultérieurement élaborés, de projeter sur eux des conclu­sions auxquelles les théologiens ne sont arrivés que plus tard. C’est de la même façon que les évangiles eux-mêmes disent que les événements rappor­tés se sont produits « pour que l’Écriture s’accomplît ». Cette perspective, qui est bien naïve, il ne faut pas la prendre « pour argent comptant » : en fait ces événements ont été écrits et décrits tels qu’ils sont présentés, peut-être tout simplement parce que l’écriture elle-même était sous les yeux du scripteur. Comme sou­vent, on ne voit que ce qu’on veut voir – et à force de s’en persuader on finit par le voir en effet, par un phénomène bien connu de rétroaction ou de feed-back.

 

Aucune référence n’est faite dans le Nouveau Testament à la notion même d’homoousie. Le mot consubstantialité est absent de la Vulgate. Celui des évangiles où Jésus est le moins humain, ou le plus divin, est celui de Jean. Eh bien, dans Jean même, Jésus se dit « au-des­sous » du Père, qui est « plus grand que lui » : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais vers mon Père, car le Père est plus grand que moi » (14, 28). Il est vrai que Jésus dit : « Le père et moi sommes un » (10, 30). Mais cela ne veut pas dire que le fils est égal au père, ou qu’il y a entre eux identité de substance (homoousie). Il y a simplement communauté d’inté­rêts, de buts ou d’objectifs – et en aucune façon rivalité : « Notre cause est la même ». Le contexte dit bien que parler au nom du Père, ou, mieux, faire ce qu’il prescrit, est participer de lui, œuvrer dans le même sens que lui. Plus loin, Jésus dit qu’il est dans le Père et que le Père est en lui (14, 10). Mais cela ne veut pas dire qu’il y a identité substantielle entre le Père et lui. Il y a simplement participation, « englobement ». La fin du Prologue dit aussi de Jésus qu’il est « tourné vers le sein du Père ». Il est tout pénétré de ce qui l’englobe.

Ou alors le sens est symbolique. Quicon­que reçoit une parole devient cette parole. Symboliquement il se revêt de sa substance. S’il reçoit la parole de Dieu, en un sens il devient lui-même Dieu, et il n’y a là aucun blasphème :

 

Jean, 10, 34-36 : Ne se trouve-t-il pas écrit dans votre Loi : ‘Moi, j’ai dit : vous êtes des dieux’. Que si la Loi a appelé ‘dieux’ ceux à qui la parole de Dieu a été adressée – et l’Écriture ne peut être abolie ! – celui que le Père a consacré et a envoyé dans le monde, vous lui dites, vous : ‘Tu blasphèmes’ – parce que j’ai dit : ‘Je suis le fils de Dieu !’ »

 

Référence est faite ici, contre les Juifs mêmes, au Psaume 82, 6. On dit que le judaïsme refuse qu’un homme puisse être dit Dieu. La référence que fait Jésus à la Loi juive elle-même veut, astucieusement, montrer le contraire : nouveau pilpoul. – Il s’agit en fait d’intérioriser la transcendance.

Bref, ou bien l’homme inspiré participe de Dieu qui l’inspire et ne fait qu’un (cause commune) avec lui, ou bien quiconque écoute Dieu est Dieu ou peut être dit Dieu. Dans tous les cas, nous sommes là bien loin de la Trinité transcendante des conciles et des dogmes futurs, et du catéchisme aussi... (pp.123-124) 


 

Voir aussi : Trinité

 

  

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
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