A voir ce soir, sur France 2, le film Sage Femme. Voici un ancien article paru dans le journal Golias Hebdo, où je présente mes réflexions à son propos :
Je viens de voir le dernier film de Martin Provost, Sage femme, et je l’ai beaucoup aimé. L’héroïne incarnée par Catherine Frot est bien de son métier sage-femme, mais comme on le voit dès le générique initial, le trait d’union disparaît et le titre devient effectivement : Sage Femme – ce qui montre que le sujet du film va être son acheminement vers une sagesse. Sa réconciliation avec la vie va être progressive : de réservée au début, elle va s’immerger finalement dans le grand flux de l’existence, au contact de la femme fantasque incarnée par Catherine Deneuve. La mort de la seconde va donner la vie à la première, par une sorte de chiasme intéressant.
Ce qui m’a plu surtout est le contenu de cette sagesse enfin trouvée. En effet on voit bien que la sage-femme exerce son métier de façon traditionnelle : étant dans le soin, ou le care comme on dit aujourd’hui, elle est pleine d’empathie pour ses patientes, et les assiste avec le plus d’humanité possible. Mais on voit aussi dans le film, dont le côté social est très important et souvent passé sous silence (par exemple dans la critique de Télérama) que tout cela change aujourd’hui. Les petites maternités ferment, au prétexte qu’elles ne sont pas rentables, et les remplacent de grandes structures, des « usines à bébés », qui jouent tout sur la technique, et n’ont que faire du contact humain. On est bien dans ce René Guénon appelait « le règne de la quantité et les signes des temps ». Aussi notre héroïne décide-t-elle de se mettre en congé de ce monde déshumanisé. Un temps elle songe à fonder une « école » où serait enseigné ce qu’elle a reçu elle-même. De toute façon, et c’est la grande leçon de ce film, seule compte désormais, comme elle le dit, la « transmission ».
J’ai senti là beaucoup d’échos personnels. Quelques années avant que je prenne ma retraite de professeur, j’ai remarqué que l’attitude seulement consumériste et utilitaire se répandait chez mes étudiants. Face à cette déshumanisation, reste donc la transmission de ce qu’on sait et à quoi l’on a cru à certains, sans doute bien rares aujourd’hui, qui en sont demandeurs. Protégeons de nos mains cette petite bougie, pour éviter qu’elle ne s’éteigne au grand vent de la barbarie consumériste et technicienne.
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