La Lettre d’origine évangélique que je reçois régulièrement et dont j’ai déjà parlé (Golias Hebdo, nos 635 et 641), se demande cette semaine comment il faut rendre un culte à Dieu. Et la réponse est bien simple : « Ce que Dieu veut, c’est que nous lui rendions un culte qui Lui soit agréable. »
Cette Lettre ne me déçoit jamais. Quelle prétention à s’imaginer savoir « ce que Dieu veut » ! Mais le rédacteur ne s’embarrasse pas de doutes. Évoquant le sacrifice du Fils, il écrit : « Dieu a fait sa part en payant le prix fort, en offrant son fils unique pour le salut de tous. Et nous avons la nôtre à faire en acceptant le cadeau. » Quant à ceux qui sont rétifs à accepter cette nouvelle, il conclut : « Pendant ce temps, l’heure tourne et Dieu regarde sa montre avec peine… » Je pensais jusque là que cette Lettre n’était pas destinée qu’à des enfants !
Ces derniers sont pourtant nombreux. Car l’idée d’un culte devant être « agréable » à Dieu est générale dans la Bible. Pensons au « sacrifice que Dieu accepte et qui lui est agréable, et qui a un parfum de bonne odeur. » (Philippiens 4/18) Cette idée est reprise dans la liturgie eucharistique dans le canon de la messe romaine. L’offrande de la victime sur l’autel du sacrifice doit être agréée comme le furent celles d’Abel, d’Abraham, et du pontife Melchisedech : il s’agit de se concilier les bonnes grâces d’un Dieu potentiellement terrible (l’Offertoire romain dit même qu’il faut l’« apaiser », placare en latin), en le flattant obséquieusement, à la manière d’un courtisan. L’image qu’on se fait de Dieu ne sort pas grandie de cette vision.
Voltaire le disait bien : « Si Dieu a fait l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu. » En fait, outre l’infantilisme qui en résulte, cet anthropomorphisme est aussi un cas typique d’idolâtrie, qui consiste à enfermer la divinité dans une image purement humaine.
On ne rendra pas justice à l’Inconnaissable en lui prêtant ainsi des sentiments humains, et en particulier un des plus bas parmi les sentiments humains : un goût pour la flatterie et un incessant désir d’applaudissements. Comme dit Valéry dans son Ébauche d’un serpent : « Ô vanité, cause première ! » – En outre, il y a là aussi une inconséquence : car si Dieu a des sentiments humains, il n’y a pas de raison qu’il n’en ait pas aussi d’autres que celui-là : en particulier du mépris pour des créatures si viles qu’elles passent toute leur vie à s’aplatir devant lui.
Finalement, l’absurde théologie évangélique me semble corroborer la définition que Borges donnait de la théologie : « Une branche de la littérature fantastique. »
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