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ette année nous commémorons le 150e anniversaire de la publication de L’Origine des espèces. Si ce livre de Darwin est encore controversé chez beaucoup, c’est parce qu’il érige le hasard en règle universelle. Voici donc une occasion de réfléchir sur cette notion.
Dire que quelque chose arrive par hasard, ce n’est pas dire qu’elle arrive sans cause : c’est simplement dire qu’elle arrive sans but. Le hasard est absence de finalité, non de causalité. Si me promenant dans la rue je reçois une tuile sur la tête, cela est bien dû à un ensemble de causes : il y avait un grand vent ce jour-là, fruit d’une dépression météorologique ; la tuile était mal arrimée ; il y avait aussi une cause à ma sortie de chez moi, etc. Simplement tout cet ensemble de causes, qui est bien une chaîne de nécessités, n’est pas en harmonie par rapport à mon attente. C’est cette disharmonie qui est le hasard.
On peut très bien unir ensemble le hasard le plus grand et la nécessité la plus absolue, comme l’a fait Jacques Monod dans son livre Le Hasard et la nécessité. Ne confondons donc pas hasard, absence de but, et contingence, absence de cause. Spinoza dit bien que cette dernière vient seulement d’un défaut de connaissance.
Darwin montre que l’économie générale de la nature est totalement aléatoire, et que la figure qu’elle nous montre aurait pu être tout autre. Tout ce qui y subsiste, choses et êtres, ne sont que des rescapés : les minéraux sont rescapés des cataclysmes, les végétaux et animaux, outre des cataclysmes, de la lutte pour la vie. Processus et résultats eurent des causes et furent nécessaires, mais n’obéissaient à l’origine à aucun plan ou but déterminé. En conséquence, n’admirons pas naïvement l’ordre des êtres naturels, comprenons qu’il leur était impossible, fût-ce dans leur plus petit article, d’admettre aucune autre disposition. S’ils n’étaient pas ainsi qu’ils sont, tout simplement ils ne seraient pas.
L’idée de finalité ne fait en réalité que renvoyer à notre désir. Spinoza encore l’a bien dit : ce qu’on appelle cause finale n’est que le désir humain lui-même posé à l’origine d’une chose. Le sens (direction et signification) n’est qu’un désir de sens.
Certes nous nous voulons attendus, désirés. Mais qui de nous admettra qu’il provient de la rencontre fortuite d’un ovule et d’un spermatozoïde plus sprinteur que les autres ? Et pourtant là est bien le vrai…
Mais si le sens n’est qu’un désir en tant que principe explicatif, il est pour nous une création à opérer. Finalement il me semble que le darwinisme est libérateur. Il fait justice d’un désir enfantin, mais il nous renvoie à notre responsabilité d’adulte. Bien sûr nous aurions pu tout aussi bien ne pas être. Mais tant que nous sommes, il dépend de nous que cette vie hasardeuse soit dotée, ou non, d’un sens que nous lui donnerons.
20 août 2009
Ce texte est d'abord paru dans le journal Golias Hebdo. Il figure maintenant dans l'ouvrage suivant, dont on peut feuilleter le début (Lire un extrait), et qu'on peut acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD). Le livre est aussi disponible sur commande en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.
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