Critiquant la ministre de la culture, Marina Foïs a déclaré, vendredi soir 12 mars dernier, au cours de la 46e cérémonie des Césars : « On a fermé les salles pour ouvrir les églises. » (Source : leparisien.fr, 13/03/2021)
Certains ont vu là une affirmation antireligieuse. Il n’est pas acceptable pour eux de mettre sur le même plan la culture et le culte, de confondre une manifestation culturelle avec une cérémonie cultuelle. C’est pourquoi ouvrir les églises leur semble plus important qu’ouvrir théâtres, cinémas et musées, ce qui justifie bien le choix gouvernemental.
Je ne suis pas de leur avis. Dans une œuvre de culture, quelle qu’elle soit, se fait une représentation de la vie, plus probante que la vie vécue elle-même, et lui donnant son sens. S’y voit et s’y lit un discours clarificateur, qui échappe à l’effilochage et au flou de l’existence ordinaire, et nous institue en vraie humanité. Les scénarios de vie qui s’y perçoivent nous guident et nous modèlent. Sans les romans, par exemple, comment pourrait-on faire sa cour à une femme ? Toutes les constructions culturelles sont des miroirs édifiants, qui comme tous les miroirs donnent une image plus nette de la réalité, et éclaircissent notre existence. La vraie vie s’y trouve, et sans eux nous restons des morts-vivants : le vampire, mort-vivant par excellence, ne se reflète dans aucun miroir.
Eh bien ! il en est de même des constructions religieuses. Les récits qu’elles véhiculent, les scénarios qu’elles explorent, les mises en scène de la vie qu’elles opèrent, ont le même but : façonner l’homme pour qu’il ressemble à l’homme. Le culte même, comme la messe en milieu chrétien, est un théâtre édificateur, qui conduit de la chute à la rédemption.
Si l’on pense que les deux domaines ne sont pas du même ordre, c’est qu’on est façonné par un catéchisme non remis en question, qui déclare sacré tel domaine, et profane tel autre. En cela on ne réfléchit ni ne parle soi-même, on répète en écho une voix venue d’en-haut, ce qui est le sens propre du mot « catéchisme ». À mon avis il faut se déprendre de ce psittacisme.
De toute façon, la raison du choix gouvernemental en période de pandémie de fermer les salles et d’ouvrir les églises est peut-être bien plus prosaïque qu’on ne croit : la quantité des lieux et leur fréquentation n’est pas comparable dans les deux cas, et les premières auraient accueilli bien plus de personnes que les secondes.
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