Un ancien article paru dans Golias Hebdo (novembre 2019), qui va être encore d'actualité lors de la prochaine campagne électorale états-unienne.
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est le procédé que pratique quotidiennement l’actuel président des États-Unis à l’égard de ceux et celles qu’il n’aime pas.
Un florilège édifiant vient d’en être dressé par l’AFP, le 11/10/19, qu’on trouve sur Internet, avec le nom des destinataires : « lèche-cul », « raclure », « face de cheval », « Hillary-la-Crapule », « chienne », « foldingue », « ratée pleurnicheuse », « petit QI », « Fils de pute », « truie », etc. À quoi il faut ajouter l’expression d’une vidéo de 2005, exhumée en 2016, où l’homme d’affaires se vantait alors de pouvoir « choper les femmes par la chatte » – ce qui d’ailleurs ne l’a pas empêché ensuite d’être élu.
Ou même a contribué à l’être ! Car plus on vise bas, plus on plaît au peuple, dont on flatte les instincts. Celui-ci n’aime pas un langage châtié. Il préfère entendre, dans la bouche de celui qui se présente à ses suffrages, le langage dont lui-même se sert. C’est ce qu’ont bien compris, de tout temps, tous les démagogues. Le tragique de la démocratie est là : la majorité n’est pas toujours celle qui réfléchit le plus.
Une fois cette voie prise, l’agressivité déborde constamment. L’être s’animalise, comme il se voit par exemple dans Rhinocéros d’Ionesco : face à la foule victime de l’épidémie de « rhinocérite » et qui ne fait que barrir, le héros de la pièce est bien seul à vouloir encore parler un langage humain, c’est-à-dire mesuré et contrôlé par la raison.
Mais Donald Trump n’en a cure. Il aboie plus qu’il ne parle, comme un chien excité dans une meute, avant la curée et l’hallali. Dans sa bouche, chaque coup de langue devient un coup de lance. Et dans beaucoup de cas on ne lui en tient pas rigueur, car d’abord il peut mettre les rieurs de son côté, et ensuite beaucoup préfèrent la boxe à la réflexion.
Cette tendance n’est pas propre aux États-Unis. Combien de talk-shows politiques, chez nous même, n’intéressent les gens que s’ils y voient un pugilat, dont on compte les points ! Il n’est pas étonnant qu’insultes et noms d’oiseaux fusent librement, encouragés par les journalistes, auxquels ainsi le buzz est garanti.
L’insulte est un exemple particulier de cette absence de pensée, par quoi Hannah Arendt définissait le Mal. Mais prenons-y garde. On peut répondre à une insulte par une autre insulte, par pur réflexe. Ainsi on en vient d’abord aux mots, puis aux mains. Et quand on perd la civilité, le résultat peut être la guerre civile.
7 novembre 2019
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