Le patriarche orthodoxe russe Kirill a qualifié les opposants à Moscou en Ukraine de « forces du mal » qui veulent briser l’unité historique entre les deux pays. Selon lui, ce sont ceux qui « combattent l’unité » de l’Église orthodoxe russe avec les pays issus de la Rus’, un État médiéval considéré comme l’ancêtre de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie. Or l’Ukraine a depuis 2014 quitté la sphère d’influence russe pour se rapprocher de l’UE et de l’OTAN. (Source : AFP, 27/02/2022)
Certes cette « unité » a pu exister un jour. Mais cela ne signifie pas qu’elle existe toujours. L’Histoire est dans un perpétuel changement, et une fois le changement survenu on ne peut l’annuler. Elle ne repasse pas les plats.
Mais le passéisme est toujours une tentation, qui s’explique par une crispation psychorigide sur cela seul que l’on connaît, et la crainte du nouveau, la néophobie. Le patriarche est à l’unisson du président russe, un ancien du KGB, qui ne s’est jamais consolé de la disparition de l’Empire soviétique et de son régime totalitaire. Maintenant il rêve de la Russie éternelle, de l’Empire des Tsars, et pour cela il massacre les Ukrainiens qui ont pris goût à la démocratie. En fait c’est moins de l’OTAN qu’il a peur que du souffle de la liberté qui peut être encore contagieux et mettre en péril son propre système. En somme, il veut réécrire l’Histoire en rétablissant quelque chose qui a disparu. C’est évidemment un délire révisionniste. C’est comme si l’Italie actuelle voulait rétablir l’Empire romain antique, et agressait pour ce faire tous les États bordant la Méditerranée.
Je ne sais si Vladimir Poutine est vraiment croyant, ou s’il instrumentalise son Église. En tout cas elle n’hésite pas à justifier la répression policière des manifestations d’opposition ou à bénir les armes et les guerres de Moscou à l’étranger.
Pourtant, patriarche et président ensemble pourraient tirer une leçon de ce qui arriva à la femme de Loth, qui fut changée en statut de sel pour avoir voulu regarder en arrière (Genèse 19/26). Ainsi que du commentaire qu’en fait Jésus dans l’Évangile : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le Royaume de Dieu. » (Luc 9/62)
Finalement ce « complexe du rétroviseur », partagé encore par beaucoup, n’est pas seulement une régression psychologique empêchant toute progression : dans les faits il ne mène qu’à des catastrophes.
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