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u sur le site Internet de La Croix, en date du 6 mars dernier, un article intitulé : « Rome lance la réflexion sur la nouvelle évangélisation. » À côté de réflexions pertinentes, je relève dans le document ecclésial cité deux points qui me semblent discutables.
D’abord on lit : « L’Évangile ne doit pas être compris comme un livre ou une doctrine, mais bien comme une personne, Jésus le Christ, avec lequel les chrétiens sont appelés à établir un rapport personnel, en communauté et dans l’Église. »
Parler ainsi de « l’Évangile… » au singulier me semble fort singulier. L’Église en effet en retient quatre, et parle prudemment de « l’Évangile de Jésus-Christ selon un tel, un tel, etc. » gardant la possibilité de voir dans la personne de Jésus des différences qui ne sont pas négligeables, ne serait-ce que si l’on oppose les Synoptiques au texte de Jean.
Mais en plus, il y a bien d’autres évangiles que ceux qui ont été retenus comme canoniques, dont certains même sont, soit de fait soit par leur inspiration, bien antérieurs à la rédaction de ces derniers : ce n’est pas parce qu’on les a dits apocryphes ou indûment « tardifs » qu’ils ne nous instruisent pas eux aussi, mais évidemment de façon différente, sur ce Jésus avec qui nous devons « établir un rapport personnel » !
Aussi bien lui-même récusait-il tout attachement à sa personne elle-même, lorsqu’il disait : « Pourquoi m’appelez-vous Seigneur, Seigneur ! et ne faites-vous pas ce que je dis ? » (Luc 6/46) En bon orthopraxe, et comme tout rabbin, il se situait au-dessous du message qu’il portait, et qui était plus important que lui. Il n’eût pas voulu de cette « jésulâtrie » évidente dans notre document.
Le second point en débat est la constatation suivante : « Tant de personnes sont baptisées sans être évangélisées ! » C’est vrai. Mais alors pourquoi l’Église devrait-elle continuer à baptiser les petits enfants nouveaux-nés, qu’évidemment on ne peut évangéliser ? Les protestants s’autorisent ici fort justement de la phrase de Marc : « Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé… » (16/16) Cet essentiel « qui croira » récuse tout pédobaptisme. La foi est bien plus importante que le seul baptême.
Mais ce dernier en tant que sacrement magique confère à celui qui l’administre le statut d’un thaumaturge, et lui donne ce dont tout homme a du mal à se passer : le pouvoir. Et comme la confession il peut faire l’objet de tous les chantages.
... On le voit par conséquent : si « nouvelle évangélisation » il doit y avoir, elle a encore quelques progrès à faire…
[v. Débaptisage]
Article paru dans Golias Hebdo, 24 mars 2011
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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