Un ancien article, mais qui malheureusement promet d'être encore très actuel :
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imanche 16 août, le thermomètre a atteint la température de 54,4°C aux États-Unis, dans le lieu nommé Furnace Creek (Ravin de la Fournaise), au cœur de la Vallée de la Mort. C’est la température la plus chaude relevée sur Terre depuis 1931.
Par association verbale, j’ai pensé aussitôt au verset 4 du Psaume 23, où le roi David dit en s’adressant à Dieu : « Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi. » Ce passage, qu’on cite souvent, m’a toujours impressionné par sa formulation (« la vallée de l’ombre de la mort »).
Comme aux États-Unis en ce moment, il y a aussi des canicules inhospitalières dans nos vies, où nous sommes abandonnés, brûlés comme dans une fournaise, désertés de l’amour par exemple et de toute tendresse : atmosphère sans vapeur d’eau. À nous donc, selon ce passage biblique, d’y faire face, pensant que nous n’y sommes pas seuls, que quelqu’un marche à nos côtés : une parole est là qui nous le signifie.
Mais quel crédit lui faire ? Il dépend de nous. On peut penser qu’elle est ici performative, autoréalisatrice. Qu’il suffit de l’écouter ou de la lire pour qu’elle fasse advenir ce qu’elle énonce, de façon thaumaturgique, comme par exemple celle que le centurion de l’Évangile demande à Jésus de prononcer pour opérer une guérison : « Parle par ta parole et mon enfant sera guéri. » (Matthieu 8/8)
Mais il faut y croire pour qu’elle agisse et réconforte. Elle n’a de force que par la confiance qu’on lui donne. Son pouvoir, comme d’ailleurs tout pouvoir et en tout domaine, dérive d’une foi, d’une créance accordée. On ne vit qu’à crédit. L’attitude symbolo-fidéiste en religion résume cela : existe ce à quoi on croit.
« Je ne crains aucun mal car tu es avec moi »... Le croyant pense ici à une effective présence extérieure qui garantit sa foi. L’athée parlera ici d’autosuggestion, ou de « méthode Coué ». Mais l’agnostique, ou le croyant qui doute, pensera à une foi ou une confiance nécessaire mais toujours menacée : « Seigneur j’ai foi, viens au secours de mon manque de foi ! » (Marc 9/24)
Fragile est donc le secours, et précaire, c’est-à-dire obtenu par prière (latin precari, prier). On n’en est jamais sûr. Si l’on espère en lui, il ne dépend que du crédit que nous lui accordons, d’une confiance dans nos propres formulations, comme dit le mot Amen ! en hébreu. Si le secours divin n’est que « la récompense de ceux qui le cherchent » (Hébreux 11/6), puissions-nous, si nous en avons besoin, traverser avec lui la vallée de la mort et les canicules de la vie !
Article paru dans Golias Hebdo, 3 septembre 2020
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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