Un ancien article, mais encore actuel :
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ai vu sur la Cinq, pendant la soirée du 3 février dernier, l’excellente émission Engrenage : les jeunes face à l’islam radical.
À cette occasion, un très sympathique imam strasbourgeois a dit des choses très justes, par exemple que proposer sur le Net de vouloir « épouser » des jeunes filles de 14 ans revenait en fait, purement et simplement, à vouloir les violer. Et surtout, il a donné une définition à mon avis très intéressante du jihad, ou combat dans la religion islamique. Pour lui, comme aussi pour d’autres théologiens musulmans, ce combat doit être intérieur à l’âme de chaque croyant, qui doit lutter contre ses mauvais penchants, contre le mal en lui. En aucun cas ce ne devrait être un combat extérieur, une lutte faite par les armes contre les non-croyants.
J’ai toujours pensé qu’il y a un grand avantage à intérioriser le fait religieux, la relation à Dieu par exemple dans le cas des religions abrahamiques.
Si l’on voit la religion comme un pacte conclu avec un Dieu extérieur, auquel on est relié (religio renvoyant à religare) grâce à une alliance (adligatio, de même racine), on comprend le pacte comme un échange réciproque, ou comme on dit en droit synallagmatique : c’est un do ut des, un « je te donne pour que tu me donnes ». J’échange mon obéissance contre une récompense espérée (comme le Paradis), et inversement si j’enfreins le contrat, ce Dieu transcendant est fondé à me punir (par exemple en m’envoyant en Enfer).
C’est une religion de la carotte et du bâton, basée sur un calcul d’épicerie, dont beaucoup encore chez nous-mêmes ne sont pas sortis. Dès lors, pour s’attirer les bonnes grâces de Dieu et obtenir la gratification corrélative, on peut aller défendre sa cause manu militari. « Que répondre, disait Voltaire, à celui qui s’imagine gagner le ciel en vous égorgeant ? »
Mais si au contraire on voit Dieu non comme un être extérieur et tout-puissant, mais comme une voix purement intérieure avec laquelle nous pouvons dialoguer, alors tout ce que je viens de dire disparaît. Il s’agit désormais, par un accueil scrupuleux de cette voix, et une relecture profonde de soi (relegere), de nous réunir à ce que nous avons de plus intime. Cette deuxième étymologie possible du mot latin religio (religio se rattachant à relegere) est attestée par le grand Cicéron, ce qui n’est pas rien.
Cela ne vaut-il pas mieux en tout cas que le combat extérieur pour imposer ses convictions aux autres, y compris en les tuant ?[1]
Article paru dans Golias Hebdo, 12 février 2015
[1] Pour approfondir cette question on peut voir mes ouvrages La Source intérieure, BoD, 2018, avec préface d'André Gounelle ; et Peur de son ombre – La lumière est en nous, BoD, 2019 :
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