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e viens de recevoir une publicité pour le dernier numéro du magazine d’origine évangélique Jésus !, dont le rédacteur en chef a été le footballeur Olivier Giroud.
Sa photographie figure en gros plan en couverture, avec comme légende : « 33 ans, l’âge du Christ ». C’est, me dit-on, « un numéro historique, à conserver et à offrir, le cadeau indispensable pour les fans de Jésus, de foot et... de Giroud. »
Je me suis donc empressé de lire l’éditorial du nouveau rédacteur en chef, et je n’ai pas été déçu.
Il est empreint d’une « jésulâtrie » constante. Jésus y est convoqué à chaque ligne, comme dieu et origine de toutes choses. Giroud dit qu’il porte lui-même comme tatouage un passage des Psaumes : « L’Éternel est mon berger, rien ne saurait me manquer »
Voici comment il le commente : « Ces mots gravés sur mon bras me rassurent. Je sais que si j’ai besoin de quoi que ce soit, d’une aide, je peux le prier, lui, Jésus. » Il va même jusqu’à dire qu’il lui arrive de le prier en plein match, pendant quelques secondes : « Et qui sait si sur le centre d’après, lorsque je choisis de couper au premier poteau, ce choix n’est pas directement inspiré par Dieu lui-même ? »
Voici donc les réflexions que je me fais. D’abord il faut que le souci de gagner à tout prix de l’argent soit bien grand, pour que ce magazine convoque un footballeur, même « champion du monde », pour augmenter son tirage.
Ensuite la « théologie » de Giroud est bien approximative, pour qu’il assimile le Dieu biblique des Psaumes à Jésus lui-même, dont la divinisation finale n’est d’ailleurs toujours pas admise par certains chrétiens, unitariens, arianistes et pré-nicéens par exemple.
Il oublie en outre que ce dernier, qu’il sent constamment à ses côtés, est en réalité une figure construite par les projections de disciples et des siècles de foi, et que, comme il n’a rien écrit, il est une forme vide, comme Socrate qui n’est connu que par ses disciples et contemporains (Platon, Xénophon, Aristophane...). Pour lui, il est comme un Grand Frère qui veille sur lui, qui comme il le dit le rassure et l’apaise.
Enfin la publicité du magazine est un modèle de démagogie, en mêlant tout ensemble les fans de Giroud, du foot, et ceux de Jésus. Ce nivellement des plans est significatif de notre modernité.
Je trouve bien sûr cette approche et cette vision tout à fait infantiles, mais je ne doute pas qu’elles puissent trouver beaucoup d’échos chez certains. La presse évangélique utilise souvent cette démarche et ces recettes démagogiques. Il est quand même dommage que ce magazine s’appuie sur l’infantilisme de son rédacteur pour infantiliser ses lecteurs.
[v. Anthropomorphisme]
Article paru dans Golias Hebdo, 21 novembre 2019
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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