S’adressant à la foule massée place Saint-Pierre, le nouveau pape a prononcé un grand nombre de fois le mot de « paix », mais jamais celui de « justice ». Apparemment il n’a pas voulu choquer quiconque, par un terme trop politique et revendicateur. Son discours pastoral et lisse a donc pu faire l’unanimité. Car quoi de plus beau en effet, dans l’absolu, que ce mot de « paix » ?
Pourtant je crois qu’il faut bien souvent, en se plaçant dans le concret des situations, l’accompagner de celui de « justice ». Car qu’est-ce qu’une paix séparée de la justice ? Une imposture bien souvent, et un service rendu à ceux qui l’imposent et en tirent profit. Les Ukrainiens aujourd’hui en font l’amère expérience. Victimes d’une agression, et contraints à se défendre dans ce qu’il faut bien appeler une guerre juste, ils peuvent recevoir une objurgation à la paix, c’est-à dire à se rendre, comme une capitulation devant l’injustice qui leur est faite. Et l’agresseur peut se frotter les mains.
Il peut même, en pervertissant le sens des mots, nier qu’il apporte autre chose que la paix, comme on le voit chez Tacite à propos des exactions causées par les Romains : « Là où ils font un désert, ils l’appellent paix – Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant ».
J’ai souligné, dans mon billet Radicalité (Golias Hebdo n°864), à propos de la position pacifiste de l’ancien pape sur ce conflit, qu’il y a un danger à faire de la paix un absolu, ou de ce qui doit être simplement un horizon une réalité. Cet irénisme peut mener à prétendre qu’il n’y a pas de guerre juste. Mais c’est irréaliste. Saint Augustin, saint Thomas d'Aquin admettaient bien leur existence, plus lucidement.
On pourrait dire la même chose pour l’injustice sociale. Proposer la paix simplement à ceux qui la subissent est faire le jeu de leurs oppresseurs, en cautionnant l’état présent des choses, et sans qu’il puisse changer. Je ne sais ce que le pape actuel dira à ce propos, mais c’est un fait que l’Église s’est bien souvent rangée du côté des exploiteurs et contre leurs victimes.
Elle doit désormais tenir à mon sens, à égale importance et sans les séparer les deux exigences, celle de paix, et celle de justice. Fidèle en cela aux textes dont elle se réclame, par exemple celui des Béatitudes : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés… Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu ». (Matthieu 5/6 et 9)
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