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Normalement, simplement à le voir dans sa tenue excentrique, il fait rire les gens : on se moque toujours de ce qui s’écarte de la norme, et c’est bien son cas. Certes il y a des cas où un esprit plus adulte peut voir, derrière la façade joviale, la tristesse, selon ce que dit Baudelaire dans La Muse vénale : « Et ton rire trempé de pleurs qu’on ne voit pas. » On connait encore le tragique et antiphrastique « Ris donc, Paillasse ! » de l’opéra de Leoncavallo, où le héros est obligé de faire rire, au milieu d’une très grande douleur. Mais enfin ces deux faces restent dans le cadre de l’humain, dont la condition, même fort complexe, voire contradictoire, reste compréhensible.
Mais le clown aujourd’hui sort de ce cadre, pour entrer dans celui de l’incompréhensible à tout esprit normal. Je veux parler de ces clowns effrayeurs et méchants, dont la mode sévit actuellement. Ainsi simplement dans mon département de l’Hérault on a noté plusieurs agressions dont ils ont été les auteurs. À Montpellier, un piéton de 35 ans a reçu 30 coups de barres de fer par un homme grimé en clown qui voulait le dépouiller. Plusieurs autres cas se sont produits dans d’autres localités proches de chez moi (Source : Le Parisien, 26/10/2014).
Cette mode des « clowns qui attaquent » a été lancée sur les réseaux sociaux depuis des États-Unis. On a beaucoup craint qu’elle s’amplifie et se déchaîne à l’occasion de la fête d’Halloween, au point que beaucoup de municipalités ont pris des mesures pour la prévenir à cette occasion. Ce qui me semble le plus préoccupant est le mélange et le brouillage qu’elle peut provoquer dans l’esprit. Normalement ce dernier, sans être manichéen, aime bien catégoriser, mettre de l’ordre dans ses valorisations et ses refus. Or faire d’un personnage normalement comique un personnage inquiétant confond tous les repères structurants. Déjà Orange mécanique, le film de Kubrick inspiré du roman de Burgess, montrait son « héros », Alex, commettant toutes ses atrocités déguisé en clown. Je vois là un signe prémonitoire de la fin d’une société taraudée par le nihilisme, perdant tous ses repères, et à l’image de ce que disent les sorcières de Macbeth (« Le beau est affreux, et l’affreux est beau »), plongeant dans le chaos d’une ambiguïté totalement déstabilisante.
Nota : Un recueil de toutes les chroniques précédentes, que j'ai données à Golias Hebdo de fin décembre 2008 à début mars 2014, est disponible en version enrichie, avec regroupement thématique des notions, et assorti de nombreux liens internes et externes facilitant son exploitation, sous forme de livre électronique multimédia :
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