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8 octobre 2019 2 08 /10 /octobre /2019 01:01

C’est un lieu magique, plein de poésie, où l’on va souvent bien sûr prendre son train, mais tout aussi bien parfois simplement regarder arriver et partir les trains, observer la foule, rêver sur le destin des gens qui stationnent ou passent. C’est dans les gares que se font les moments cruciaux de nos vies : ruptures, retrouvailles, ont les quais pour décors. Que de larmes y coulent, de chagrin et de joie ! Impérissables instants ! Attention par exemple à ces amoureux-là, perdus l’un dans l’autre : Qui trop embrasse manque le train...

 

Pour certains rêveurs, cette contemplation suffit. Un voyage imaginé, à la suite du seul départ observé d’un train, est peut-être supérieur en intensité à un voyage réellement effectué. Dans À Rebours de Huysmans, le héros Des Esseintes projette de se rendre à Londres. Mais la seule ambiance déjà anglaise d’une brasserie proche de la gare lui suffit, et aussitôt après il rentre chez lui. « À quoi bon bouger, quand on peut voyager si magnifiquement sur une chaise ? N’était-il pas à Londres dont les senteurs, dont l’atmosphère, dont les habitants, dont les pâtures, dont les ustensiles, l’environnaient ? Que pouvait-il donc espérer, sinon de nouvelles désillusions... ? » (Chapitre XI)

 

Mais tout cela va maintenant changer. La SNCF, comme elle l’a déjà fait à Saint-Lazare et le prépare à Austerlitz et à Montparnasse, vient de livrer aux convoitises du privé la Gare du Nord. On va y installer 20 000 mètres carrés de surfaces commerciales. Pour prendre le train, il faudra d’abord grimper vers le hall des départs situé au-dessus des voies et cerné de boutiques, avant de pouvoir redescendre sur les quais. Autrement dit la marchandisation de cet espace autrefois magique va l’adultérer tout à fait : la consommation va devenir un passage obligé. Foin des rêveurs désormais ! Et place aux acheteurs ! (Source : Télérama, 11/09/19, p.13)

 

Quelques architectes de renom ont dénoncé cet assassinat, dans une Tribune du Monde du 4 septembre dernier. Mais évidemment on ne les écoutera pas, en un monde où l’argent est roi. Il suffit de voir comment les entrées de toutes nos villes sont avilies par l’injonction consommatrice des panneaux publicitaires, l’étalage des grandes surfaces, magasins et entrepôts divers. Peut-on imaginer pour le voyageur un accueil plus hideux ?

 

Faudra-t-il désormais pour rêver aller sur une île déserte ? Mais il n’y en a plus...

 

D.R.

 

***

 

Pour voir l'ensemble de mes livres sur le site de mon éditeur BoD, en lire un extrait, les acheter, cliquer : ici.

 

Notez qu'ils sont aussi tous commandables en librairie, et sur les sites de vente en ligne (Amazon, Fnac, etc.).

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6 octobre 2019 7 06 /10 /octobre /2019 01:01

En complément à ma vidéo parue hier Le Regard des autres (lien), je réédite ici une chronique concernant l'Honneur déjà parue dans Golias Hebdo. Les mêmes idées en sont développées aussi dans mon livre Sur les chemins de la sagesse : 

 

D'abord il ne faut pas le confondre avec les marques d’honneur. Cela ne signifie pas toujours grand-chose que d’être honoré, puisque cela ne veut pas dire forcément qu’on soit honorable. Dans les distinctions officielles, on n’est pas sûr de se trouver en bonne compagnie. Il y a même des cas où les honneurs déshonorent, et où, quand le rouge ne monte pas au front, il s’arrête à la boutonnière.

 

Ensuite l’honneur est lié à ce qu’on fait, non à ce qu’on nous fait. S’imaginer touché dans son honneur si on nous gifle, ou si on nous marche sur les pieds, ou même si on nous regarde de travers, est stupide.

 

De ce point de vue, l’honneur chevaleresque tel qu’on le voit dans Le Cid par exemple n’a pas disparu. Il est même la règle dans les mœurs des banlieues : il m’a mal regardé, il m’a manqué de respect, etc. N’était la langue, le monde de cette pièce absurde reste totalement compréhensible aujourd’hui par certains.

 

Combien de classiques encore enseignés avec dévotion sont à revisiter ! Mais quel professeur osera dire à ses élèves que tuer quelqu’un pour un soufflet est une ineptie ? Qu’en vérité est déshonoré non celui qui l’a reçu, mais celui qui l’a donné ?

 

« Frappe, mais écoute ! », dit un jour Socrate à quelqu’un qui l’avait molesté, niant par là qu’il ait été outragé en quelque façon.

 

Schopenhauer l’a bien montré, dans ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie. L’honneur dit chevaleresque renvoie à ce qu’il y a de plus animal dans l’homme : on doit respecter mon territoire ou ma propriété, sinon je riposte immédiatement. En plus il valorise, chez l’être, ce qu’il représente aux yeux des autres, alors que l’essen­tiel devrait être ce qu’il est au fond de lui-même : je vis sous le regard d’autrui, j’en dépends, et pour cela je ne veux pas perdre la face si on en vient à « me manquer ».

 

 

Une femme victime d’un viol n’est pas déshonorée. C’est l’agresseur criminel qui l’est, par ce qu’il a fait. Par quelle aberration en est-on venu à considérer un viol comme une tache ou une souillure faite sur la victime ? Et pourquoi s’en pren­dre à elle ? Pourquoi y a-t-il encore, dans certaines cultures attardées, des « crimes d’hon­neur » ? Sauf à considérer la femme comme un objet, une propriété personnelle qu’il ne faut pas dévaloriser si on veut qu’elle garde tout son prix : en somme, un territoire à défendre.

 

 

La phrase de Pagnol : « L’honneur, c’est comme les allumettes, ça ne sert qu’une fois », est bien tournée, mais le fond en est archaïque et barbare. Mieux vaut donc ne pas la supposer sienne, mais simplement mise ici dans la bouche de son personnage, et sachons réexaminer ce que l’opinion, l’éducation, l’école même ont pu nous inculquer. Certaines valeurs qui nous semblent naturelles sont, tout simplement, absurdes.

 

2 juillet 2009

 

***

 

Ce texte est extrait du tome 1 de mon recueil de chroniques Des mots pour le dire. Ces recueils sont disponibles sur commande en librairie, sur les plateformes de vente en ligne, ou sur le site de l'éditeur BoD, où on peut en lire un extrait et aussi les acheter. Cliquer : ici.

 

 

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4 octobre 2019 5 04 /10 /octobre /2019 01:01

Voici la quatrième d'une série d'interviews vidéo que j'ai données à propos de mon ouvrage Sur les chemins de la sagesse, édité chez BoD (durée : 8' 02") :

***

 

On peut feuilleter l'ouvrage (cliquer ci-dessous sur Lire un extrait), et le commander sur le site de l'éditeur (cliquer sur Vers la librairie BoD). Mais ce livre, diffusé par la SODIS, peut aussi être commandé en librairie (ISBN : 9782322161676). En outre, il est disponible aussi dans les boutiques de vente en ligne (Amazon, FNAC, etc.).

 

A suivre...

 

P.S. : Pour voir les vidéos précédentes sur ce sujet, cliquer sur : 1, 2, 3

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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