Un ancien article paru dans Golias Hebdo en 2012, et figurant maintenant dans ma Petite philosophie de l'Insolite (éd. BoD, 2021) :
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n sait que la porter est actuellement revendiqué par les femmes, qui veulent être libres d’afficher leur féminité. C’est l’inverse des années 1970, où elles voulaient porter le pantalon, à l’image des hommes. Les temps changent…
Mais quoi qu’il en soit, cette nouvelle revendication me paraît fort légitime dans le contexte actuel.
Or je viens d’apprendre un fait qui m’a indigné. Comme tous les ans, le 8 mars est consacré à la Journée internationale des droits des femmes. Pour la fêter, une vingtaine de collégiennes d’un établissement de l’Ain ont décidé de venir à l’école en jupe. Mais la direction du collège a demandé à ces adolescentes, âgées de 13 à 15 ans, de s’habiller autrement.
Voici ce qu’a dit, selon Le Progrès, le principal-adjoint du collège : « Je suis intervenu auprès de ces jeunes filles pour leur expliquer que la démarche était louable, mais qu’il était hors de question que d’autres élèves leur manquent de respect. Malheureusement, plusieurs insultes ont fusé. Il n’a jamais été question de sanction ou d’interdiction, mais il m’a semblé préférable, dans une optique de protection, de leur demander de changer de tenue… »
Ce discours est un modèle d’hypocrisie et de lâcheté. Au lieu de sanctionner comme il se doit les élèves insulteurs, on prend acte de leur comportement comme s’il était inévitable, et on transforme leurs victimes en coupables. Si elles portent la jupe, c’est qu’elles veulent aguicher les garçons, qui les voient, selon leur mot, comme des « putes ». Les rôles sont donc inadmissiblement inversés.
Par exemple, si on considère ici le cas de l’honneur, il ne tient qu’à ce qu’on fait soi-même, et non pas à ce qu’on nous fait : une femme violée, par exemple, n’est pas déshonorée, malgré ce que disent certains. C’est son agresseur, coupable d’un crime, qui l’est.
Ce principal-adjoint s’est fait le complice des insultants. Par lâcheté, par souci d’éviter les vagues dans son établissement. Or souvenons-nous de ce que disait Péguy dans Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc : « Complice, c’est pire qu’auteur, infiniment pire… Celui qui laisse faire est même bien plus coupable que celui qui fait. Car celui qui fait, il a au moins le courage de faire. Mais pour celui qui laisse faire, il y a la lâcheté en plus. »
Il y a maintenant partout une lâcheté infinie, et le silence des pantoufles est plus effrayant que le bruit des bottes.
[v. Démission]
Article paru dans Golias Hebdo, 22 mars 2012
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