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e mot désigne en psychologie la capacité qu’a le cerveau de réfléchir sur ses propres processus mentaux, de ne pas se laisser influencer par une pensée immédiate, un jugement instantané, la possibilité de prendre de la hauteur par rapport à eux et de les relativiser. Ceux qui en sont incapables ne réfléchissent pas sur ce qu’ils pensent, et ce manque de plasticité peut être la source de nombreux drames.
Le premier mouvement nous trompe bien souvent. Par exemple la publicité pour le Loto, « Tous les gagnants ont tenté leur chance », nous fait croire que si nous jouons nous gagnerons à coup sûr. Ce qui est évidemment faux. Il y a là ce que les spécialistes appellent un « biais cognitif » : la publicité les exploite souvent pour faire passer ses messages. À nous donc de faire le tri, entre ce que nous croyons spontanément parce que cela nous fait plaisir, et la réalité.
Curieusement, j’ai pensé au manque de métacognition en revoyant sur LCP les deux excellentes émissions consacrées aux religieuses abusées par les prêtres catholiques (16 et 17 octobre derniers). On voyait bien que leur soumission venait d’une absence totale de réflexion sur ce qu’elles croyaient, sans doute pour y avoir été amenées par les élans de leur enfance et par leur éducation. Le prêtre pour eux était un personnage sacré, incarnant l’Église toute entière, et il ne leur est pas venu à l’esprit tout de suite qu’il pouvait être un pervers manipulateur. Elles n’ont pas vu que leur absence de réaction venait d’une projection valorisante qu’elles faisaient spontanément sur celui qui était en fait leur bourreau. Aussi n’ont-elles pas songé même à quitter immédiatement cette Église qu’elles chérissaient, de façon à demander, non pas excuse et compassion de sa part, mais nécessaires réparation et justice civiles, comme l’a dit Christian Terras dans le documentaire.
Des tyrans, La Boétie dit dans son Discours sur la servitude volontaire : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » On comprend bien que, si importante que soit sa police, un seul homme ne peut se faire obéir d’une grande masse d’hommes, s’il ne bénéficie pas d’une présomption de supériorité, d’un crédit, d’une confiance (fiducia) basés sur une projection admirative ou effrayée – et parfois les deux.
Ce sont nos croyances et nos peurs qui nous aliènent, quand nous ne comprenons pas que c’est en nous qu’est la source de nos asservissements. Bref, nous avons peur de notre ombre.[1]
[v. Confiance, Crédulité, Croyance]
Article paru dans Golias Hebdo, 31 octobre 2019
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