On s’en satisfait facilement, surtout dans le domaine du langage. Ainsi en est-il de l’expression qu’on entend aujourd’hui à tout bout de champ : « le mariage pour tous ». Littéralement prise, elle signifie que n’importe qui peut se marier avec n’importe qui. Ce dont un minimum de réflexion montre l’impossibilité.
Si par exemple je suis déjà marié, et si je veux épouser quelqu’un d’autre, cela m’est interdit, car la loi prohibe la bigamie. On voit déjà l’incorrection de notre expression.
Si je veux épouser ma sœur, cela aussi m’est interdit, tant par l’Église catholique que par le droit français, même en cas d’adoption. S’il s’agit d’une cousine germaine, je peux le faire civilement, mais si je veux faire un mariage religieux, je dois demander à l’Église une dispense, que seul le pape peut accorder. Là aussi je n’ai pas toute licence de faire ce que je veux, et le « mariage pour tous » n’est qu’une illusion.
Une affaire intéressante vient d’être plaidée au TGI de Metz. Une femme peut-elle épouser, après la mort de son mari, le fils que ce dernier a eu d’un premier lit ? Ils n’ont pas de liens du sang, et pourtant ils n’auraient pas le droit de se marier, puisque l’article 161 du code civil indique que le mariage est prohibé « entre tous les ascendants et descendants légitimes et les alliés dans la même ligne ». Ce pourquoi jusqu’ici le procureur de Metz s’est opposé à cette union (Source : France Tv info, 12/06/2014).
On voit que se reproduit ici l’intrigue de la Phèdre de Racine, situation reprise dans La Curée de Zola : Phèdre ne peut espérer s’unir avec son beau-fils Hippolyte, que son mari Thésée a eu avec une autre. La notion ici d’« inceste » ou d’« amour incestueux » n’est donc pas encore sans substance juridique.
Aux dernières nouvelles, les requérants lorrains ont obtenu satisfaction mais le procureur peut interjeter appel (même source, 26/06/2014). Quoi qu’il en soit ou puisse en être à l’avenir, un fin mais solide réseau de lois et d’obligations continuera de nous enserrer, très souvent à notre insu, et nous ne pourrons tout faire à notre guise. Aussi ferions-nous bien de renoncer à l’expression approximative, euphémisante et démagogique de mariage « pour tous », pour la remplacer par la seule expression propre ici : le mariage « entre personnes du même sexe ». Le langage, et par voie de conséquence la clarté des esprits, y gagneront.
Nota : Un recueil de toutes les chroniques précédentes, que j'ai données à Golias Hebdo de fin décembre 2008 à début mars 2014, est disponible en version enrichie, assorti de nombreux liens internes et externes facilitant son exploitation, sous forme de livre électronique multimédia :
Cliquer sur l'image
commenter cet article …