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26 décembre 2021 7 26 /12 /décembre /2021 02:01

L

es catholiques viennent de fêter la fête de la Sainte Famille, fixée au dimanche qui suit Noël. Il s’agit bien entendu de la famille de Jésus, qu’on nous invite à célébrer.

 

Pourtant, en ouvrant mon Évangile, j’y remarque le passage suivant : « Si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs,  il ne peut être mon disciple. » (Luc 14/26) Quel décalage, alors, entre ce refus radical de la famille bio­logique, et cette fête qu’on nous propose !

 

Ce texte me poursuit toujours, d’autant que le verbe haïr (en grec, miseîn) y figure, et qu’il ne sert à rien de vouloir l’atténuer.

 

De ma perplexité, cependant, m’a tiré la lecture de l’évangile selon Thomas. On y lit en effet, au logion 101 : « Celui qui ne récuse son père et sa mère comme moi ne pourra devenir mon disciple, et celui qui n’aime son Père et sa Mère comme moi ne pourra devenir mon disciple. Car ma mère m’a engendré, mais ma véritable Mère m’a donné la vie. »

 

Enfin un texte magnifiquement lumineux ! Pourquoi faut-il à la fois récuser père et mère, et les aimer ? C’est que, dans le premier cas, il s’agit des parents réels, dont nous avons tôt fait de voir, par la proximité même où nous sommes d’eux, les imperfections, les faiblesses. Et dans le second cas, il s’agit des parents idéaux, mythiques, archétypaux.

 

Ce sont des projections admiratives que nous faisons, enfants, sur nos parents, mais dont le souvenir peut nous accompagner toute notre vie, pour conjurer la déception que fatalement ils nous donnent dans le monde réel. Peut-être au fond nos parents ainsi idéalisés, projetés et attendus par notre psyché ne naissent-ils pleinement en nous que lorsqu’ils meurent...

 

Parfois ce sont le Parrain et la Marraine qui jouent dans la réalité ce rôle de Père divin et Mère divine, en anglais Godfather et Godmother. Pour les enfants qui ont la chance d’en avoir, ils peuvent correspondre à ce profond besoin psycho­logique de sécurisation, en tirant leur prestige de leur éloignement même. En dehors même de toute signification religieuse, je dirai que l’usage de donner ainsi des garants tutélaires à l’enfant qu’on baptise est bénéfique : sa vérité pour moi est son utilité.

 

Si donc Père et Mère idéaux sont les caryatides qui soutiennent l’enfant balcon, ils peuvent rester pour nous adultes des viatiques vivifiants : il est bien dommage que Luc n’en ait pas fait mention, et nous laisse sur un mot abrupt et tranchant qui peut désespérer.

 

Aussi, même si selon Jules Renard tout le monde dans la réalité n’a pas la chance d’être orphelin, tout le monde peut garder et chérir au fond de soi le souvenir de ses parents idéaux, qui constituent la vraie famille – spirituelle.

 

> Article paru dans Golias Hebdo, 15 janvier 2009

 

D.R.

Ce texte est repris dans le premier des deux tomes suivants. Cliquer sur Undefined pour commander le livre :

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25 décembre 2021 6 25 /12 /décembre /2021 12:32

Voici, mise sur mon blog artistique, la suite d'une série de méditations photographiques :

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24 décembre 2021 5 24 /12 /décembre /2021 02:01

U

ne maison d’édition argentine vient de lancer sur le marché une nouvelle forme de livre, le livre effaçable, c’est-à-dire dont l’encre disparaît deux mois après son ouverture.

 

Le compte à rebours débute lorsque le film plastique protecteur qui entoure le livre est retiré. Mise au contact de l’air et de la lumière, l’encre perd de son intensité. Au bout de soixante jours, elle n’est plus visible. La page devient toute blanche. Le livre peut alors servir de cahier, de bloc-notes, de journal intime. Beaucoup de clients paraissent satisfaits de cette innovation (Source : Challenges.fr, 21/08/2012).

 

On connaît l’obsolescence programmée qui caractérise la majorité des produits que nous achetons aujourd’hui. Alors qu’au milieu du siècle dernier encore on achetait un produit fait pour durer, et qui en cas de panne était appelé à être réparé, maintenant les ingénieurs concevant les produits sont sommés par le fabriquant de réaliser exprès, et j’imagine souvent à contrecœur, un produit à durée définie, et qu’il vaut mieux changer que réparer.

 

Évidemment c’est le marketing qui l’emporte sur le savoir-faire technique : il faut alimenter à tout prix la consommation. Nous sommes une civilisation de l’éphémère et du jetable, comme Alvin Toffler l’a montré dans Le Choc du futur (1970). Psychologiquement, l’homme moderne n’a d’autre existence que celle du présent : sa vie est punctiforme et pulvérisée.

 

C’est d’autant plus grave dans cette apparition du livre effaçable. Par nature, un livre est appelé à durer, à être le compagnon de toute une vie. Je pense même que les livres les plus importants ne sont pas ceux que l’on lit, mais ceux que l’on relit, que l’on annote aussi et qu’ainsi on fait siens.

 

Le livre effaçable remplira les poches des éditeurs, mais videra la tête des lecteurs, par l’absen­ce de mémorisation qu’il implique. À ce compte-là, engagés en si bon chemin, pourquoi ne pas faire des livres comestibles, qu’on mangerait après les avoir lus, version littérale des Nourritures terrestres ? Ézéchiel a bien mangé le livre de la Parole avant de prophétiser (chap. 3, v.1-4), et à sa suite Jean a fait de même selon l’Apo­ca­lypse (chap.10, v. 9-10) !

 

On a bien essayé le DVD lisible une seule fois (même source que précédemment), et même les balles écologiques, qui se dégradent naturellement après avoir effectué leur tâche meurtrière (vendues sur le site Airgun Depot). Magnifique invention ! Elles tuent, mais heureusement ensuite elles sont biodégradables...

 

Assurément imagination et folie humaines n’ont pas de limites…

 

[v. Absurdité, Cruauté]

 

> Article paru dans Golias Hebdo, 6 septembre 2012

 

D.R.

 

***

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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