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26 juillet 2023 3 26 /07 /juillet /2023 01:00

D

es centaines d’hommes pieds nus se sont flagellés, et une dizaine ont été cloués sur des croix lors des cérémonies du Vendredi saint dans les Philippines, en témoignage sanglant de leur foi (Source : AFP, 19/04/2019).

 

C’est un spectacle répété tous les ans, ostensiblement gore, où l’Église locale voit avec suspicion des « tendances pharisaïques », sans nier toutefois que « la crucifixion et la mort de Jésus ont sauvé l’humanité de l’effet de ses péchés » (même source).

 

C’est bien là qu’est le problème à mon sens. Depuis Paul, le créateur du christianisme majoritaire, la Passion et la mort de Jésus ont une valeur expiatoire et rédemptrice, que répètent à l’envi plusieurs textes néotestamentaires, malgré les efforts des théologiens libéraux pour ne pas en tenir compte ou pour les biaiser, ou même les interpréter au rebours de ce qu’ils disent. Cette euphémisation d’un sacrifice, pourtant marque objective d’un échec, est comme un tour de passe-passe, qui transforme, comme dit l’Apôtre invoquant la « Parole de la Croix », une « folie » en « sagesse ». C’est un scénario entièrement païen, renvoyant aux cultes à mystères antiques (Adonis, Osiris, Mithra, etc.), où un Dieu meurt et ressuscite pour le salut de ses fidèles. Pour les Juifs et les Musulmans ce christianisme-là est un paganisme.

 

Quand Platon a été bouleversé par la mort de Socrate, il ne l’a pas euphémisée par une construction mythologique à contenu résurrectionnel. Il s’est contenté de transmettre l’enseignement de son Maître. D’autres versions du christianisme ont existé qui ont fait de même, comme le gnosticisme. Mais malheureusement elles ne sont pas majoritaires. Encore aujourd’hui quand on touche du bois, ou qu’on croise les doigts pour se porter chance, ou simplement quand on porte en bijou une petite croix, on fait référence implicitement à la Croix salvatrice paulinienne.

 

Je sais bien que dans ce scénario fortement émotionnel certains trouvent consolation et espoir, même si je ne vois pas bien de quelle culpabilité il est nécessaire pour eux d’obtenir un rachat. Mais que penser de vouloir le mimer et le mettre en scène ?

 

Cette tendance est de tout temps et de tous lieux, depuis les Flagellants chrétiens médiévaux jusqu’aux fidèles de l’islam chiite qui tous les ans à Kerbala en Irak commémorent par des actes d’auto-flagellation le martyre de l’imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet.

 

Mais la foi, quelle qu’elle soit, a-t-elle besoin pour se prouver et conforter de s’extérioriser en manifestations visibles ? Souvenons-nous de la parole de Jésus à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui croient sans voir. » (Jean, 20/29)

 

[v. Barbarie]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 9 mai 2019

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

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25 juillet 2023 2 25 /07 /juillet /2023 11:54

Un texte inspiré de Matthieu 7/13 ("Entrez par la porte étroite") :

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24 juillet 2023 1 24 /07 /juillet /2023 01:00

E

lle se fonde sur un mouvement affectif, qui engendre une éclipse, momentanée ou durable, de la rationalité. Les spécialistes parlent ici de biais cognitifs, pour signifier l’em­prise sur nous de nos émotions.

 

Par exemple si nous voyons un cageot d’oran­ges dont la première rangée est pourrie, la raison devrait nous dire qu’il y a toute probabilité pour que les rangées d’en-dessous soient aussi pourries. Mais si nous disons le contraire, c’est que nous désirons qu’elles ne le soient pas. Certes elles peuvent ne pas l’être, mais il n’est pas rationnel de le conclure. On peut appliquer cet exemple à la croyance en un monde meilleur postulé pour le futur, fréquente en maintes religions à dimension eschatologique.

 

En vérité, nous allons trop vite dans nos jugements, nous ne prenons pas le temps de réfléchir froidement. De façon paranoïaque, narcissique et égocentrée, nous allons immédiatement vers ce qui alimente nos peurs, ou au contraire ce qui nous fait plaisir. Par exemple, je viens de lire sur un paquet de cigarettes du commerce : « Fumer provoque 9 cancers du poumon sur 10 ». C’est une vérité. Mais la conclusion que nous en tirons est que 9 fumeurs sur 10 attrapent le cancer, ce qui est faux : environ 10% seulement. Notre peur a triomphé de notre raison. – À l’inverse, le slogan du Loto : « 100% des gagnants ont tenté leur chance » nous fait plaisir et nous n’en voyons pas le truisme : nous pensons inconsciemment que tout le monde peut gagner, ce qui évidemment est faux. Là le désir l’a emporté sur la raison. L’esprit a manqué de cette capacité qu’il a de se scruter et mettre en question lui-même, que l’on appelle métacognition.

 

De même, quand vient de se produire un mortel accident d’avion, l’émotion fait que nous avons peur de prendre l’avion, alors que nous devrions savoir que l’avion est bien moins accidentogène que l’automobile. Là encore nous ne sommes pas rationnels.

 

Notre cerveau aussi fabule constamment, c’est une machine à créer du storytelling. Ainsi nous cherchons du sens partout. Nous n’admet­tons pas le hasard, les coïncidences : nous voyons partout des causalités et des finalités, nous croyons facilement aux « vérités alternatives » ou aux fausses nouvelles (fake news) [v. Complotisme]

 

Ceux qui veulent asservir et manipuler les esprits s’engouffrent dans cette propension que nous avons à juger sans réfléchir. La fabrique du consentement par exemple, pour reprendre le terme de Chomsky emprunté au publicitaire Bernays, s’inspire pour influencer nos opinions et comportements des techniques du commerce, du neuromarketing. C’est la méthode du nudge, ou « coup de coude » en anglais, dont relèvent les deux slogans que j’ai cités précédemment.

 

Qu’en conclure ? L’important est d’avoir conscience de ce phénomène, et quand nous croyons, de savoir que c’est le cœur qui parle en nous, et non la raison.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 10 janvier 2019

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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