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ntendu à la radio en ce début février : des habitants des Landes dévastées par la récente tempête ont été trouver un prêtre exorciste du diocèse de Dax, pour demander son aide à propos de ce qui venait de leur arriver.
Aussitôt je me suis mis à penser à la vieille théorie théologique de la rétribution, dont je vois là l’incarnation vivante.
Elle consiste à faire un lien entre ce qui nous arrive et ce que nous méritons. Est-ce un bonheur, c’est un signe de la bienveillance de Dieu. Un malheur, de sa colère. Cette tempête est donc une malédiction, le signe d’une punition divine. Notez que cette idée affleure souvent encore dans le langage, quand nous disons devant un malheur qui nous frappe : « Mais qu’est-ce que j’ai donc fait au Bon Dieu pour mériter cela ? »
Dieu a-t-il puni les Landais de ne pas aller assez souvent à la messe, comme dans La Peste de Camus le curé impute l’épidémie à un semblable oubli des Oranais ? Par quel démon ont-ils été habités, qu’il faudrait chasser par des prières ? Nous voilà, à l’époque d’Internet, en plein Moyen-âge, où les Flagellants se fouettaient pour expier les fautes qui leur avaient amené la peste.
On sait que ce problème de la justice de Dieu, qu’on appelle théodicée, est posé dans le livre de Job. Comment se fait-il qu’un juste soit frappé ? Aux justes récriminations de son serviteur, Dieu ne répond que par une manifestation de puissance superlative qui ne peut que l’écraser : « Prendras-tu le crocodile à l’hameçon ? Saisiras-tu sa langue avec une corde ? » (40/20)
Mais que penser d’une telle théophanie, mise en scène comme un magnifique light show ? Si impressionnante soit-elle, vaut-elle théodicée ? D’ailleurs ici, comme le narrateur de Mars de Fritz Zorn, je me demande si on peut bien se vanter d’avoir créé le crocodile…
Abandonnons cette idée pernicieuse d’un Dieu punissant ou récompensant, que nous formons à notre image. Il n’est que l’alibi de nos peurs et de nos espoirs. Laissons aussi derrière nous toute idée de souffrance expiatoire, et cette double peine qu’est la rétribution théologique.
Un péché, on le sait, n’est en réalité qu’une déviation de but (en hébreu, hatta’t), une erreur de conduite (en grec hamartia, manquement de cible), ou un faux pas (en latin, peccatum, lié à pes, le pied). Bref il ne s’agit pas ici de faute, mais simplement d’erreur humaine de jugement.
Quand une automobile ne marche pas, cela n’avance à rien de la maudire. Il faut ouvrir le capot, et s’efforcer de trouver d’où vient la panne.
C’est donc bien assez il me semble de dire que parfois nous sommes dans nos vies déjà punis par nos erreurs, sans aller jusqu’à dire que nous devons l’être pour elles. Cette notion manque singulièrement de charité. À un malheur n’en ajoutons pas un autre, en lui adjoignant l’idée d’une culpabilité, assortie de la menace d’un châtiment.
[v. Karma]
Article pau dans Golias Hebdo, 19 février 2009
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