À le voir régnant dans beaucoup de domaines, on peut comprendre la différence qu’il y a entre l’apparence qui peut encore tromper, et la réalité effective d’un contenu absent. Ainsi j’ai récemment dénoncé le formalisme de Noël, où beaucoup sacrifient encore à l’usage (échange de cadeaux, repas, etc.), mais en ignorant l’essence de la fête, qui est spirituelle (Golias Hebdo, 5 janvier 2023).
On peut en dire autant de l’usage de la démocratie. C’est à quoi j’ai pensé en lisant un article sur la formation du dernier gouvernement israélien, ainsi titré : « Benyamin Nétanyahou entend réduire la démocratie ‘à sa plus simple expression’ » (Courrier international, 02/01/2023). On y apprend que le nouveau Premier ministre ne reçoit comme principe de la démocratie qu’une seule règle, la règle de la majorité. On pense, chez nous, à la parole du socialiste Jean Laignel à Jean Foyer, à l’Assemblée Nationale, le 23 octobre 1981 : « Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire ! »
Ainsi Benyamin Nétanyahou a-t-il mis en œuvre une réforme de la Haute cour de justice israélienne, l’équivalent du Conseil constitutionnel en France, en autorisant le Parlement à revoter les lois qu’elle a annulées, donc en la privant de son pouvoir de contrôle. De ce point de vue, on est bien sur la voie d’une démocratie purement formelle, ayant perdu son essence et ses contre-pouvoirs.
Car c’est bien la séparation des pouvoirs, sur laquelle Montesquieu a bien insisté, qui empêche la loi majoritaire d’être omnipotente, de constituer le dernier recours pour tout se permettre. Et aussi l’importance de la moralité générale dans la conduite des affaires publiques. Le même Montesquieu insistait bien sur le fait que la démocratie repose sur ce qu’il appelait la « vertu », nous dirions aujourd’hui le civisme ou le sentiment du bien public. S’il disparaît, la démocratie sombre totalement, et la république devient une dépouille mise à l’encan, exposée en proie facile pour les politiciens. On peut par exemple être élu démocratiquement, comme le fut Hitler, et ensuite détruire la démocratie. Le suffrage seul ne donne à personne un blanc-seing pour faire n’importe quoi : l’esprit du régime démocratique ne s’y réduit pas.
En toute chose, il faut voir l’esprit, et non la lettre. Oublierons-nous, comme dit saint Paul, que la seconde tue, tandis que le premier vivifie ?
commenter cet article …