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21 février 2021 7 21 /02 /février /2021 02:01

Je viens de lire un intéressant dossier sur les conditions auxquelles la Commission européenne a acheté à leurs fabricants les différents vaccins contre le coronavirus (francetvinfo.fr, 19/02/2021).

 

On y apprend que les transactions ont été et sont encore très opaques, sans contrôle des représentants des citoyens, preuve que le « droit des affaires » derrière lequel s’abritent les industriels pharmaceutiques n’a rien de démocratique. Surtout on y voit que très tôt les États-Unis ont courtisé ces derniers, et leur ont garanti des conditions juridiques très favorables, en acceptant de les exonérer de toute responsabilité en cas de problème tant sur le plan de la production que sur le plan de la santé. L’Europe a bien tenté de résister, d’où le retard avec lequel les vaccins y sont maintenant disponibles, mais finalement elle s’est soumise à ces conditions. Elle a accepté qu’en cas d’effets indésirables graves avec un vaccin, seul Bruxelles sera tenu pour responsable. Les États-membres seront alors chargés d’indemniser les victimes. Par « les États », comprenez les citoyens. Les victimes s’indemniseront donc elles-mêmes avec l’argent de leurs impôts. Pour elles la double peine est complète.

 

On voit là l’énorme poids de cette industrie, capable de faire un tel chantage et se décharger de toute responsabilité, sans aucune contrepartie. Chantage, parce qu’évidemment on a besoin des vaccins, et donc on les paiera à n’importe quelle condition...

 

Cette arrogance brutale est propre au capitalisme le plus débridé. Dans la vieille Europe, on a depuis longtemps essayé de protéger le citoyen-consommateur, par exemple l’acquéreur d’un bien quelconque. À cela sert la garantie, assortie à l’acte d’achat. Mais ici les Laboratoires, outre qu’ils se font payer à leur guise, fournissent un bien sans aucune garantie. Le dossier susmentionné conclut ainsi fort justement : « On est dans une configuration où les risques, c’est pour tout le monde. Mais les profits, c’est uniquement pour l’industrie pharmaceutique. »

 

C’est habituel : le capitalisme privatise les profits et mutualise les risques. Mais c’est d’autant plus inadmissible qu’il s’agit de la santé, sur laquelle on spécule. Face à cette force aveugle et inhumaine, certains prônent une levée des brevets et une suspension de la propriété intellectuelle pour les remèdes à cette pandémie. Mais auront-ils le poids suffisant pour être entendus ?

 

Cliquez sur l'image - D.R.

 

***

 

Ce texte est à paraître dans le journal Golias Hebdo. D'autres textes comparables figurent dans l'ouvrage suivant, dont on peut feuilleter le début (Lire un extrait), et qu'on peut acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD). Le livre est aussi disponible sur commande en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.

Petite philosophie de l'actualité
Théron, Michel
15,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils ont cependant un contenu intemporel, et se prêtent toujours à une réflexion philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

Pour voir l'ensemble des volumes parus dans cette collection, cliquer ici

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19 février 2021 5 19 /02 /février /2021 02:01

C

omme Vinci l’a dit de la peinture, l’art est une chose mentale (cosa mentale), c’est-à-dire s’adresse non au plaisir de l’œil, ce qui est simple décoration, mais à l’intelligence. Il doit signifier, c’est-à-dire faire penser à quelque chose d’autre que ce qu’il présente. Voir dans les arts plastiques un simple jeu de formes et de couleurs, une simple musique visible, serait une terrifiante régression, dans quoi tombe souvent la peinture totalement abstraite. On s’y veut totalement libre. Mais un avion qui s’imaginerait mieux voler dans le vide, s’il ne s’appuyait pas sur l’air, tomberait. L’appui minimal sur quelque élément identifiable, loin d’appauvrir la perception, l’enrichit.

 

Aussi, depuis que Duchamp a dit de façon intelligente et suicidaire à la fois que l’œuvre est faite seulement du regard porté sur elle, et son aura du simple lieu où elle est exposée, on propose à l’admiration des foules un n’importe quoi qui toujours convient : anything goes.

 

L’œuvre bénéficie d’un crédit, d’une confiance, d’une fiducia, que lui confèrent à la fois le fait d’être exposée dans un lieu a priori sacralisé, et aussi un discours verbal extrinsèque. La mise en avant de l’idée ou de l’intention, comme dans l’art conceptuel, dispense d’un quelconque effort de réalisation effective. En réalité, l’œuvre ainsi conçue est tautologique : ce qu’on voit n’est que ce qu’on voit, rien d’autre – what you see is what you see.

 

Mais on n’y prend pas garde, et la crédulité générale est telle qu’on y voit, par la vertu même de l’installation et du discours extérieur, autre chose. Institutions, conservateurs de musée, commissaires d’exposition, galeristes, critiques et essayistes font l’opinion, et tout le monde suit à la façon des moutons. On se remémore l’exemple fâcheux des juges obtus qui ont condamné Madame Bovary et Les Fleurs du mal. Aussi, par crainte de passer pour un béotien, on gobe tout. Pourtant un urinoir, un égouttoir à bouteilles, ou quelque ready-made que ce soit, nul n’avait pensé jusqu’ici qu’ils pouvaient être autre chose qu’eux-mêmes.  Qui osera dire : « Circulez, il n’y a rien à voir » ?

 

Kafka a bien prédit ce phénomène : « Casser des noix n’est pas vraiment un art, aussi personne n’osera-t-il convoquer un public pour le distraire en cassant des noix. S’il le fait cependant et que son intention se voie couronnée de succès, c’est qu’il s’agit au fond d’autre chose que d’un simple cassement de noix, c’est que nous n’avions jamais pensé à cet art parce que nous le possédions à fond et que le nouveau casseur de noix nous en a révélé la véritable essence, auquel cas il peut être même nécessaire qu’il soit un peu moins adroit que nous… »

 

Tout est ici affaire de conformisme du public et de présomption de l’artiste, qui font présumer la valeur de ce qui est montré. En serons-nous toujours dupes ?

27 mai 2010

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est paru dans le journal Golias Hebdo. D'autres textes comparables figurent dans l'ouvrage suivant, dont on peut feuilleter le début (Lire un extrait), et qu'on peut acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD). Le livre est aussi disponible sur commande en librairie, ou sur les sites de vente en ligne.

Petite philosophie de l'actualité
Théron, Michel
15,00Livre papier
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Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils ont cependant un contenu intemporel, et se prêtent toujours à une réflexion philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

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17 février 2021 3 17 /02 /février /2021 02:01

Vraiment cette ville est pourrie. Tous des larves. Pleine de fainéants, d’assistés, de prêts à mordre et d’enfants gâtés. De mon temps on n’aurait pas admis ça. Il faudrait un bon coup de balai, pour éliminer toute cette racaille. Et tu vas voir qu’encore il s’en trouvera pour fermer les yeux, pour pardonner…

Et celles-là, avec leurs si courtes jupes, leurs nombrils à l’air… De vrais appels au viol. Qu’il arrive… Ce sera bien fait…

Et ces gosses qui braillent, et ces jeunes qui bousculent… Où sont les parents ? À voir ce qu’on voit, on comprend ce qui se passe, ce qui va évidemment arriver. Ils ont bien raison, au fond, ceux qui veulent prendre des mesures... Vous allez voir bientôt… – Mais chut, je me comprends…

Je suis fatigué, je veux dormir. Me plonger dans le sommeil, lové au cœur de mon navire, chez moi, cocooning… Je m’y engloutirai, comme, au fond de l’eau, dévoré par un gros poisson… À quoi cela sert-il de se lever, de toute façon ? Vivement ce soir qu’on se couche…

Dormir, mourir… C’est pareil. Quand on voit ce qu’on voit… Autant s’étendre et tout oublier.

Chez moi, au moins, j’aurai ma tonnelle. De loin je verrai les hommes. De très loin. Comme des fourmis. C’est tout ce qu’ils méritent.

Je prendrai le frais, seul. Qui vit seul n’est pas en mauvaise compagnie. Le monde m’apportera ses petits dons, à moi tout seul. Les autres ne méritent rien de tel.

– En es-tu sûr ?

– Oui, absolument, j’en suis sûr, et si jamais je perds ce petit rien que j’ai, le monde est vraiment trop injuste. Au fond, c’est la mort que je préfère, non la vie, car qu’est-ce que cette vie qu’on ne peut mettre en ordre ? Un peu de morale, de discipline, que Diable… Quelle époque, quelle barbarie, quelle décadence ! – Seigneur, dans quel siècle m’avez-vous fait naître ? Ah, si j’étais vous… Et si j’étais vous… Je te les exterminerais bien tous. C’est tout ce qu’ils méritent. Ces étrangers, ces métèques, ces sauvages. Un bon nettoyage... Qu’est-ce qu’il attend, celui qui déblaiera tout ça ? Si ce n’était que de moi… Pas de quartier, pas de pitié. Vivement que ça arrive. Ça arrivera forcément, et alors si je peux aider… Ou au moins j’aurai prévenu, et je comprendrai.

Quand même, j’ai mal de voir ça, et ça me fait mal aussi au fond de moi, si j’y pense… Si c’est pas malheureux tout ça !

Mais je suis comme ça, de toute façon. Je n’aime pas les changements. Qu’est-ce que je peux faire alors ? Je penserai à moi, serai heureux pour moi, j’aurai mon petit plaisir, même bien petit, et sinon je mourrai. De toute façon la vie… Pour ce qu’on peut en attendre… Pas vrai ?

Fais-tu bien de t’irriter ?*

 

 

Jonas 3/10 : Dieu vit que les Ninivites … revenaient de leur mauvaise voie. Alors Dieu se repentit du mal qu’il avait résolu de leur faire, et il ne le fit pas.

Id. 4/1-11 : Cela déplut fort à Jonas, et il fut irrité. Il implora le Seigneur, et il dit : « Ah! Seigneur, n’est-ce pas ce que je disais quand j’étais encore dans mon pays ? C’est ce que je voulais prévenir en fuyant... Car je savais que tu es un Dieu compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et qui te repens du mal. Maintenant, Seigneur, prends-moi donc la vie, car la mort m’est préférable à la vie. » Le Seigneur répondit : « Fais-tu bien de t’irriter ? » Et Jonas sortit de la ville, et s’assit à l’orient de la ville. Là il se fit une cabane, et s’y tint à l’ombre, jusqu’à ce qu’il vît ce qui arriverait dans la ville. Le Seigneur-Dieu fit croître un ricin, qui s’éleva au-dessus de Jonas, pour donner de l’ombre sur sa tête et pour lui ôter son irritation. Jonas éprouva une grande joie à cause de ce ricin. Mais le lendemain, à l’aurore, Dieu fit venir un ver qui piqua le ricin, et le ricin sécha. Au lever du soleil, Dieu fit souffler un vent chaud d’orient, et le soleil frappa la tête de Jonas, au point qu’il tomba en défaillance. Il demanda la mort, et dit : « La mort m’est préférable à la vie. » Dieu dit à Jonas : « Fais-tu bien de t’irriter à cause du ricin ? » Il répondit : « Je fais bien de m’irriter jusqu’à la mort. » Et le Seigneur dit : « Tu as pitié du ricin qui ne t’a coûté aucune peine et que tu n’as pas fait croître, qui est né dans une nuit et qui a péri dans une nuit. Et moi, je n’aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche, et des animaux en grand nombre ! »

***

Ce texte est un extrait de mon livre En marge de la Bible - Fictions bibliques I, illustré par Stéphane Pahon. On peut feuilleter le début (Lire un extrait), ou l'acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD) :

En marge de la Bible
Théron, Michel
15,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Chaque livre est une réécriture : il s'écrit dans les marges d'un autre, ou d'autres. Celui-ci s'inscrit dans les marges du Livre par excellence, la Bible, dont il actualise certains passages. Ces actualisations servent parfois l'intention du texte initial, mais parfois aussi en problématisent le contenu, quand il n'a plus semblé admissible pour un esprit libre et indépendant. L'appel constant à la sensibilité, propre à la littérature, permet ainsi de corriger ce que (...)

 

> Ce livre est aussi disponible sur commande en librairie, ainsi que sur les sites de vente en ligne (Amazon, FNAC, etc.). ISBN : 9782322260287.

 

En voici la présentation (quatrième de couverture de l'ouvrage) :

 

Chaque livre est une réécriture : il s'écrit dans les marges d'un autre, ou d'autres. Celui-ci s'inscrit dans les marges du Livre par excellence, la Bible, dont il actualise certains passages.

Ces actualisations servent parfois l'intention du texte initial, mais parfois aussi en problématisent le contenu, quand il n'a plus semblé admissible pour un esprit libre et indépendant.

L'appel constant à la sensibilité, propre à la littérature, permet ainsi de corriger ce que l'exégèse et la théologie traditionnelles peuvent avoir de dogmatique.

***

 

Voir aussi (d'autres chapitres du livre) :

 

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  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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