Des lynchages de Roms et des attaques de campements ont eu lieu en mars dans plusieurs villes d’Île-de-France, sur la foi de rumeurs persistantes d’enlèvements de mineurs, à des fins de trafic d’organes ou de prostitution. Ces rumeurs avaient été diffusées et amplement relayées sur les réseaux sociaux, dont Facebook. La police et la justice n’ont déploré cependant aucune disparition. Une vingtaine de personnes auteurs de ces actes ont été interpellées (Source : LCI, 26/03/2019).
On pense évidemment à la Rumeur d’Orléans, sur laquelle a travaillé le sociologue Edgar Morin et son équipe : en 1969, une rumeur s’est répandue selon laquelle des jeunes filles disparaissaient dans les cabines d’essayage de magasins de vêtements, pour être ensuite livrées à la prostitution, au Moyen-Orient ou ailleurs. Ces magasins étant tenus par des Juifs, l’antijudaïsme s’est déclenché à cette occasion.
Le phénomène n’est ni unique ni récent. Au 12e siècle, beaucoup de Juifs ont été l’objet de pogroms, transformés en boucs émissaires censés être la cause de malheurs qui frappaient le peuple. Ce qui vient de se passer incarne donc le Moyen Âge à l’époque d’Internet. Ce dernier évidemment fonctionne comme un énorme amplificateur. La rumeur se répand plus vite et plus amplement que dans le cas du seul bouche-à-oreille, tel que Beaumarchais l’a décrit par la bouche de Bazile dans son Barbier de Séville (II/8).
Qu’en penser ? D’abord la malignité me semble inhérente à la nature humaine. « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! ». Voyez aussi l’affreux dicton : « Il n’y a pas de fumée sans feu. » C’est donc spontanément que les fausses nouvelles (fake news) sont préférées aux vraies.
Ensuite l’homme devrait se rendre compte qu’il ne doit pas chercher à l’extérieur de lui la cause de ce qui ne va pas, non seulement autour de lui, mais très souvent aussi en lui. Le Diable est toujours potentiellement en nous-mêmes, nous ne devons pas le projeter chez les autres. C’est aussi le sens profond du Djihad musulman : c’est un combat que l’homme doit mener à l’intérieur de lui-même, pour y faire triompher les forces du bien sur celles du mal. Le sens banal dans lequel les terroristes prennent ce mot, l’extermination de l’autre, n’est pas le sens profond. Souvenons-nous de ce que disait Beckett : « L’homme s’en prend à sa chaussure, alors que c’est son pied qui est malade. »
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