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5 mars 2020 4 05 /03 /mars /2020 02:01

 

La loi dattraction-répulsion

 

... On pourrait même dire que dans les rencontres plus on va vers l’autre en lui demandant quelque chose, plus on risque d’en être repoussé. On n’aime pas en général celui qui mendie, on préfère un visage gai et heureux à un visage suppliant et maussade. Le visage d’autrui est comme un miroir : si l’on veut qu’il nous sourie, il faut lui sourire. Si on l’implore dans la tristesse, il ne nous sourira pas. Il y a là comme une loi d’attraction-répulsion, très généralement constatable.

 

Elle est très souvent visible dans l’amour, au moins celui de type passionnel : lorsque l’un s’élan­ce vers l’autre dans une intention de demande, ce dernier se replie et regarde ailleurs. Une femme, disait Musset, est comme notre ombre : plus on la poursuit, plus elle nous fuit. Et inversement, plus on la fuit, plus elle nous suit. Cette « chaîne » est celle d’Andromaque de Racine : Oreste aime Hermione qui ne l’aime pas, Hermione aime Pyrrhus qui ne l’aime pas, Pyrrhus aime Andromaque qui ne l’aime pas, qui aime Hector qui est mort... Pour les trois premiers personnages, c’est bien une chaîne de solitude et de mendicité. Ainsi chacun suit qui le fuit, et fuit qui le suit. Et peut-être ne pas aimer est-il le meilleur moyen d’être aimé... Voyez ici la pièce-monologue de Jean Cocteau Le Bel indifférent.

 

Si donc je dis : « J’aime et je suis aimé », on pensera peut-être que je suis très heureux, et on m’enviera. Mais qui dit qu’il s’agit de la même personne ?

 

En tout cas, si un vrai partage entre les êtres se fait, ce sera sans demande préalable, et sur un total respect de ce qu’est l’autre. Donc de sa propre solitude, de sa capacité à être lui aussi autarcique. Et si l’autre prend cette distance et ce désir d’autarcie pour de l’indifférence, c’est qu’il n’a pas encore acquis une maturité suffisante. Il projette sur son partenaire un désir d’être protégé qu’il n’a pas, et peut-être par là veut-il secrètement avoir prise sur lui, par cette protection précisément qu’il prétend lui offrir : Je vais me l’attacher par ma présence constante à ses côtés, et il m’en sera reconnaissant. – Rien de bon ne peut sortir de ces secrètes manipulations.

 

En général, quand on projette ainsi sur l’autre des attentes en réalité égocentrées, on ne le traite pas comme une fin, mais comme un moyen. On sait qu’un principe majeur de la morale, selon Kant, est de traiter autrui toujours comme une fin, jamais comme un moyen. Si je cherche dans un être « l’âme-sœur » parce que je ne sais pas être seul et me suffisant à moi-même, je le réifie et l’instrumen­talise, et tant vaut-il alors pour moi un animal de compagnie. « L’âme-sœur » finit au poisson rouge. Comme pour certaines femmes le Prince charmant des rêves finit dans un Monsieur Bricolage...

 

La plupart des gens vivent pour eux-mêmes et par les autres, alors qu’il faudrait vivre par soi-même et pour les autres. Je veux dire en étant d’abord réuni à soi-même, à son être profond, en solitude et autarcie, pour ensuite s’ouvrir vers les autres et s’y intéresser. Ne peut rien en effet pour le bonheur d’autrui celui qui vit lui-même d’aumônes...

 

***

 

Ce texte est extrait de mon livre Sur les chemins de la sagesse - Des clés pour mieux vivre, nouvelle édition augmentée 2019 (pp.56-58). Pour plus de renseignements sur cet ouvrage, cliquer sur le lien ci-dessous :

 

 

 

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3 mars 2020 2 03 /03 /mars /2020 02:01
Sagesse du soir...

De l'eau pour rêver

Un banc pour s’asseoir

L'ombre à l’arrivée

Sagesse du soir...

 

***

 

D'autres photos accompagnées de poèmes figurent dans mes derniers livres Éternels instants (Tomes I, II et III). Ce sont des petits livres d'art de 100 pages chacun, format 12 x 19 cm, imprimés sur papier photo brillant 200 gr. On peut les offrir en cadeau, ou s'en faire cadeau à soi-même. Vous pouvez en feuilleter le début (cliquer ci-dessous sur Lire un extrait), les commander sur le site de l'éditeur (cliquer sur Vers la librairie BoD), ou bien en librairie (diffusion SODIS), ou sur les sites de vente en ligne (ISBN : 9782322133673, 9782322171361, et  9782322193066).

 

Éternels instants 1
Théron, Michel
15,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

La photographie est un arrêt du temps. Les poèmes qui accompagnent les photos de ce livre procèdent aussi de l'intention d'arrêter le temps, dont le déroulement n'est pas vu comme un accomplissement, mais comme une dégradation, ainsi que l'ont bien remarqué les gnostiques chrétiens, dont ce livre reprend les intuitions. Chronos dévore implacablement ses enfants, tel l'ogre de Goya dans son tableau "Saturne". Heureusement qu'à de certains moments transperçants l'éternité (...)

Éternels instants 2
Théron, Michel
15,00Livre papier
Lire un extrait

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La photographie est un arrêt du temps. Les poèmes qui accompagnent les photos de ce livre procèdent aussi de l'intention d'arrêter le temps, dont le déroulement n'est pas vu comme un accomplissement, mais comme une dégradation, ainsi que l'ont bien remarqué les gnostiques chrétiens, dont ce livre reprend les intuitions. Chronos dévore implacablement ses enfants, tel l'ogre de Goya dans son tableau "Saturne". Heureusement qu'à de certains moments transperçants l'éternité (...)

Éternels instants 3
Théron, Michel
15,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

La photographie est un arrêt du temps. Les poèmes qui accompagnent les photos de ce livre procèdent aussi de l'intention d'arrêter le temps, dont le déroulement n'est pas vu comme un accomplissement, mais comme une dégradation, ainsi que l'ont bien remarqué les gnostiques chrétiens, dont ce livre reprend les intuitions. Heureusement qu'à de certains moments transperçants l'éternité peut nous visiter, ce qui justifie la remarque de Spinoza : "Nous sentons et (...)

 
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1 mars 2020 7 01 /03 /mars /2020 02:01

Ce mot vient à l’esprit à propos de ce qu’on vient d’apprendre sur la double figure de Jean Vanier, fondateur de l’Arche, organisme caritatif qui vise à accueillir et aider les personnes handicapées : sous couvert d’accompagnement spirituel, il a abusé sexuellement de personnes en état de vulnérabilité psychologique. Sa personnalité a donc été double, faisant voisiner un versant lumineux et un versant obscur. De cette scission les exemples sont nombreux en pathologie médicale et en littérature, du Docteur Jekyll et Mister Hyde de Stevenson au Vicomte pourfendu d’Italo Calvino.

 

Le langage employé par Jean Vanier pour séduire ses victimes était double lui aussi, de type érotico-mystique, mêlant amour divin et amour profane. On pense à certains mouvements dont j’ai parlé dans mon Petit lexique des hérésies chrétiennes (Albin Michel, 2005). Ainsi ces Agapètes du 4e siècle, qui affirmaient que rien n’était impur pour une conscience pure, et donc que si l’on se trouvait dans ce cas tout était permis. Ils pouvaient prendre dans un sens charnel le mot d’Augustin : Dilige et quod vis fac (Aime et fais ce que tu veux). Je pense aussi à ces Condormants allemands du 13e siècle, qui avaient coutume de dormir ensemble (cum-dormire), sans distinction de sexe. Ou encore à la façon dont certains Bégards et Béguines, au 14e siècle, interprétaient les textes et la théologie : Rogo caritatem, conjaceas mihi (J’ai besoin d’amour, couche avec moi). Parmi eux figurent ces Turlupins dont parle Villon, pour qui pudeur et retenue ne faisaient d’exacerber les pulsions en les réprimant, et qui pour cette raison s’en dispensaient dans leur conduite ordinaire. Cela pouvait les rendre importuns, d’où notre verbe turlupiner, au sens d’assiéger.

 

La pratique du « mariage spirituel » fut dès l’origine en usage aussi dans le monachisme, où elle se nomme syneisaktisme. Mais le but en était la mortification : il s’agissait de savoir résister aux tentations en se confrontant à leur présence constante. Ce n’a pas été le cas apparemment pour Jean Vanier.

 

Il faudrait donc en toute chose, aussi bien dans le regard que dans le langage, éviter toute duplicité, être simple. C’est ce que dit l’Évangile : « La lampe du corps, c’est ton œil. Lorsque ton œil est simple, ton corps tout entier aussi est illuminé ; mais dès qu’il est malade, ton corps aussi est dans les ténèbres. » (Luc 11/34) Ce qui disqualifie conduite et mœurs, c’est le regard et le langage équivoques, avec arrière-pensées, qui renvoient à un être divisé. Là est le Diable (Diabolos), celui qui sépare, qui divise (diaballein : désunir). À de certains moments on peut donc dire du fondateur de l’Arche que c’est le Diable qui l’a embrouillé.

 

Janus bifrons (Janus aux deux visages) - D.R.

 

***

 

Retrouvez tous mes articles de Golias Hebdo, publiés en plusieurs volumes, sous le titre Des mots pour le dire, chez BoD. Sur le site de cet éditeur, on peut en lire un extrait, les acheter... Cliquer : ici.

 

Notez qu'ils sont aussi tous commandables en librairie, et sur les sites de vente en ligne (Amazon, Fnac, etc.).

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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