D.R. Confusion T ous les éléments premiers constitutifs du monde se mêlent ici. Le ciel, la terre, l'eau se mélangent dans une unité initiale, une vie commune ou une symbiose . Cet état autor...
Celle de l’armée russe en Ukraine dépasse toute mesure. Aucun respect n’est manifesté pour les civils, qui sont tués au même titre que des combattants. On parle justement de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, ou de génocides.
Ce m’est ici l’occasion de me demander si cette brutalité n’est pas inhérente à l’âme russe. Bien sûr je crois qu’il faut modérer ce que dit Montesquieu dans L’Esprit des lois, à propos de sa théorie des climats. Celui que connaît la Russie ne favorise pas, selon lui, la délicatesse et l’empathie : « Il faut, dit-il, écorcher un Moscovite pour lui donner du sentiment. »
Néanmoins la question d’une spécificité de la Russie par rapport à la sensibilité me semble intéressante. D’abord la religion orthodoxe ne valorise pas l’individu, mais la communauté. C’est à l’image de ses beaux chants à l’unisson, qui sont expression d’un groupe, et qu’on peut opposer aux polyphonies occidentales, où les voix sont bien distinguées et spécifiées. Ainsi dans le premier carnet de L’Idiot de Dostoïevski l’assassin n’est pas Rogogine, mais Muychkine. C’est comme s’ils étaient pour le romancier interchangeables.
C’est lui d’ailleurs qui a énoncé la belle formule, qui sert de devise à la Croix-Rouge à Genève : « Chacun est responsable de tout, devant tous. » Mais ce qui est vrai et profond en principe, dans l’abstrait ou sub specie aeternitatis, laisse à désirer quand il s’agit de cas concrets, où la spécification est nécessaire. C’est l’honneur de l’Occident chrétien d’avoir inventé l’individu responsable de ce qu’il fait : l’histoire de Perceval (Parsifal), où le héros agit pour se racheter d’une faute qu’il a commise un jour, est significative à cet égard.
Spengler, dans Le Déclin de l’Occident, oppose l’âme magique ou communautaire (celle du premier christianisme, qui a été relayé ensuite par l’orthodoxie) et l’âme qu’il appelle faustienne, celle de l’Occident. Cette dernière valorise l’individu et son élan vers un idéal moral qu’il s’efforce de réaliser, et qui perdure comme aspiration même s’il n’est pas atteignable. Elle s’oppose à la dépossession de soi prônée par l’âme magique.
Ces caractérisations sont souvent pertinentes. Malheureusement elles sont à la fois vérifiées en quelque sorte mais aussi exploitées et instrumentalisées par l’idéologue favori de Vladimir Poutine, le philosophe nationaliste et eurasiste d’extrême droite Alexandre Douguine (lien Wikipédia).
Selon lui, l’Union soviétique de naguère n’était qu’un nouvel avatar de l’Empire russe – un espace dont l’étendue et la multi-ethnicité nécessitaient un État centralisé fort, une assimilation forcée des populations frontalières « dangereuses » et une répression constante de toute forme de démocratie, d’autogestion ou de revendication de libertés individuelles. Pour les eurasistes, la Russie représente une civilisation unique dotée de sa propre mission historique : créer un nouveau centre de puissance et de culture, différent du modèle occidental, qui éclairera le reste du monde – et cela, d’autant plus que l’Occident est voué à la décadence. (Source : politiqueinternationale.com)
Sans aucun scrupule moral, ce philosophe critique de la démocratie libérale occidentale justifie ainsi l’asservissement systématique des peuples qui regimberaient face au pouvoir de Moscou. Cela lui semble naturel, et avec cette brutalité revendiquée on n’est pas loin de l’amour du knout qu’on a supposé en chaque Russe. L’Encyclopédie de Diderot dit déjà que « le knout n’est point tenu pour un déshonneur, et on le regarde plutôt comme une punition de faveur. » Je pense aussi à ce que dit Baudelaire dans Le Voyage : « Et le peuple amoureux du fouet abrutissant. »
Il faut prendre bien sûr tout cela avec beaucoup de circonspection. Mais certaines prémisses, ou certaines bases de raisonnement ici ne sont pas fausses, même si leur utilisation pose évidemment problème. En tout cas, une singulière lumière est jetée à la fois sur les méthodes de l’armée russe, et sur les rêves eurasistes de Vladimir Poutine, inspirés par Alexandre Douguine.
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Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).