Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 février 2023 3 08 /02 /février /2023 02:00

C

omme j’accorde en toute chose une importance maximale au langage, je viens de relire dans mon vieux missel la formule liturgique prononcée par le prêtre lors de la célébration du mariage, après recueil de l’acquies­cement réciproque des futurs époux : « Je vous déclare unis en mariage. »

 

Cette formule ne me semble pas très claire. Heureusement mon exemplaire comporte, en regard du texte français, le texte latin initial : Ego conjungo vos in matrimonium. Mariage est donc à l’accusatif, qui indique toujours en latin le lieu où l’on va, à la différence par exemple de l’abla­tif, qui indique le lieu où l’on se trouve, et dont on ne sort pas.

 

Ainsi, éclairé par le substrat latin, « unis en mariage » devient clair. Il faut comprendre : « Je vous unis pour le mariage ». Ce dernier est une destination, une tâche à accomplir, et non un lieu où, comme déjà dans une cage, on se trouverait et dont on ne pourrait pas sortir, car dans ce dernier cas, il y aurait en latin l’ablatif : in matrimonio.

 

On connaît le mot de Saint Exupéry : « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction. » Cela ne signifie pas bien sûr regarder ensemble la télévision, ce qui est malheureusement le lot de beaucoup de couples, et où sombre le mariage. Mieux vaudrait alors pour eux qu’ils s’en soient abstenus. Car dans ce cas, il est facile de voir que le mariage se réduit à résoudre à deux des problèmes qu’on n’aurait pas tout seul.

 

Non, l’essentiel est le but, l’œuvre à faire : la réalisation à deux. Ils s’aiment, non pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils deviendront l’un par l’autre. Peut-être faudrait-il d’un certain point de vue n’accorder le mariage, comme on donne une récompense ou une décoration, qu’à ceux qui s’en seront rendus dignes à la fin de leur vie.

 

Sans aller jusque là, il est facile de voir qu’il se situe non pas dans une perspective de causalité (ils s’épousent parce qu’ils s’aiment), mais dans une perspective de finalité (ils s’épousent pour s’aimer).

 

Il est basé non sur éros (l’amour de désir), mais sur agapè (l’amour de don). Là est le plus haut de l’humain : la promesse, l’engage­ment, le sens du futur, l’idée de perspective. Qu’on puisse ne pas tenir ensuite cette promesse, à cause des aléas imprévisibles de la vie, n’est pas le plus im­portant. Au moins a-t-on été capable, un jour, de la faire.

 

Tel est le vrai mariage, un engagement pour construire un futur, et tel doit-on le voir, sauf ici à y perdre son latin.[1]

 

29 avril 2010

 

[1] Des développements à cette chronique se trouvent dans mon livre Savoir aimer – Entre rêve et réalité.

 

D.R.

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

Partager cet article
Repost0
7 février 2023 2 07 /02 /février /2023 12:46

Une micro-fiction sur un dilemme amoureux :

Partager cet article
Repost0
6 février 2023 1 06 /02 /février /2023 15:38

C

ertains disent que le tremblement de terre qui vient de frapper Haïti est le signe d’une malédiction dont cette île serait victime.

 

Bien sûr il faut faire la part du sensationnalisme journalistique, qui utilise souvent des grands mots de ce type. Mais je pense qu’il est bon de prendre ce mot au pied de la lettre, à com­mencer par son sens originaire, qui est théologique.

 

Quel péché l’île expie-t-elle, pout être ainsi frappée par Dieu au point d’en être maudite ? D’où vient ce vieux réflexe qui nous fait dire encore, quand nous sommes frappés d’un malheur : « Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter cela ? »

 

C’est la base la théologie dite rétributive : si tu es malheureux, c’est de ta faute, tu l’as mérité en quelque façon. Voyez le double sens de notre mot misérable, qui fait frémir : malheureux, et méchant. Ce même réflexe archaïque a joué à propos de la tempête qui a l’an dernier ravagé les Landes. [v. Karma]

 

Si le Premier Testament parle encore en son début de malédictions posées par Dieu, en manière de châtiment, sur plusieurs générations humaines, il met en question cette notion d’abord avec le livre de Job, où la justice de Dieu (théodicée) est contestée, et ensuite avec le prophète Jérémie.

 

L’Évangile chrétien ignore quant à lui la rétribution. À ceux qui lui posent la question, à propos d’un aveugle : « Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? », Jésus répond : « Ni lui ni ses parents n’ont péché. » (Jean 9/2-3) Il n’y a pas ici de responsabilité individuelle, pas plus que de responsabilité de type karmique imputable aux ascendants.

 

Il en est de même pour la malédiction. Des formules évangéliques très fréquentes du type : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! » (Matthieu 23/13), etc., ne sont pas en réalité des malédictions, mais simplement des constatations d’un malheur. Le mot grec ouai, calqué en latin par vae, équivaut en réalité à quel­que chose comme : « Aïe ! Aïe ! Aïe ! » La TOB traduit bien par : « Malheureux êtes-vous, etc. » On pourrait dire aussi : « Pauvres de vous, etc. »

 

On voit ici l’importance de la traduction qu’on pratique, et qu’on a pu vivre des siècles durant sur l’impression ici d’un texte agressif, dont les conséquences historiques ont pu être tragiques : vingt siècles d’hostilités et de persécutions, causées d’abord par l’antijudaïsme chrétien ancien, et poursuivies ensuite dans l’époque moderne.

 

Petites causes, grands effets ! Souvenons-nous de ce que disait Montaigne : « La plupart des causes de trouble du monde sont grammairiennes. » On meurt, ou on fait mourir, pour des mots.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 4 février 2010

 

D.R.

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de michel.theron.over-blog.fr
  • : "Mélange c'est l'esprit" : cette phrase de Paul Valéry résume l'orientation interdisciplinaire de mon blog. Dans l'esprit tout est mêlé, et donc tous les sujets sont liés les uns aux autres. - Si cependant on veut "filtrer" les articles pour ne lire que ce qui intéresse, aller à "Catégories" dans cette même colonne et choisir celle qu'on veut. On peut aussi taper ce qu'on recherche dans le champ "Recherche" dans cette même colonne, ou encore dans le champ : "Rechercher", en haut du blog - Les liens dans les articles sur le blog sont indiqués en couleur marron. Dans les PDF joints, ils sont en bleu souligné. >>>>> >>>>> Remarque importante (avril 2021) : Vous pouvez trouver maintenant tout ce qui concerne la Littérature, la Poésie et l'Art dans mon second blog, "Le blog artistique de Michel Théron", Adresse : michel-theron.eu/
  • Contact

Profil

  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

Recherche

Mes Ouvrages