Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 décembre 2021 2 14 /12 /décembre /2021 02:01

E

lle remplace aujourd’hui la supériorité de naguère. Il y a maintenant une volonté d’être connu à tout prix, et d’en tirer le plus grand profit financier possible, sans aucune vergogne. On le voit très bien dans une affaire qui vient d’éclater au Royaume-Uni, et qui laisse rêveur.

 

Je veux parler de cet adolescent britannique de treize ans qui vient d’être père d’un enfant après sa relation avec une adolescente de quinze. La famille de ce « papa bébé » a voulu monnayer cet exploit, et a vendu les droits d’interview exclusive à tel tabloïd à grand tirage. Le comble dans cette histoire est que d’autres adolescents se disputent maintenant la responsabilité de cette paternité, prétendant eux aussi avoir eu des relations avec la jeune fille.

 

La leçon qu’on en tirera naturellement est qu’il suffit de faire des bébés, même dans les conditions les plus scabreuses, pour gagner le plus d’argent possible et pour passer à la télé. Aucun scrupule moral ne retient dans ce cas : on n’y voit plus d’abjection.

 

On connaît le cas d’Érostrate, qui ne supportant pas d’être inconnu incendia une des sept mer­veilles du monde, le temple d’Artémis à Éphèse. En un sens il a réussi, puisqu’on se souvient encore de son nom ! Et ce dernier fait encore le titre d’une nouvelle de Sartre dans Le Mur.

 

Les valeurs changent dans l’histoire des hommes. La Référence suprême aussi. Au « Dieu me l’a dit » des périodes religieuses, au « C’est écrit dans tel ou tel livre » des périodes humanistes suivantes, succède maintenant le « Vu à la télé ». L’Évidence a maintenant changé : les vies dansent dans une euphorie aveuglée.

 

Aujourd’hui, selon le mot d’Andy Warhol, chacun peut avoir son quart d’heure de célébrité. C’est vrai, tout peut arriver. Mais on oublie que quand tout peut arriver, rien n’est intéressant, ne surprend vraiment, ne sort du lot. Toutes choses se banalisent, y compris les pires. Drôle d’épo­que, que celle où l’on se fait maintenant un motif de gloire de ce dont autrefois on se serait fait un sujet de honte !

 

Espérons tout de même, mais peut-être sans trop y croire, que les esprits se reprendront un jour, et écouteront de bien anciennes paroles, en admettant qu’elles puissent leur dire encore quelque chose :

 

« Quels fruits portiez-vous alors ? Des fruits dont vous rougissez aujourd’hui. Car la fin de ces choses, c’est la mort. » (Romains 6/21)

 

Article paru dans Golias Hebdo, 5 mars 2009

 

D.R.

***

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

Partager cet article
Repost0
12 décembre 2021 7 12 /12 /décembre /2021 02:01

Ce n’est pas malgré ce qu’on peut penser à partir du grec la peur des lois, dont par exemple celle des lois fiscales, qu’a alléguée récemment un de nos ministres s’abritant derrière sa « phobie administrative » pour ne pas déclarer ses revenus et échapper à l’impôt. Non, il s’agit tout simplement de la peur d’être séparé de son téléphone mobile. Ce mot est construit par contraction de l’expression anglaise « no mobile-phone phobia ». Il désigne tout un syndrome pathologique fait d’addiction, comme le souligne l’article qui lui est consacré dans Wikipédia.

 

On y lit que les utilisateurs en question consultent leur smartphone 150 fois par jour, soit en moyenne toutes les 6 minutes et 30 secondes, au cours d’une journée de 16 heures, et que plus d’un nomophobe sur deux n’éteint jamais son téléphone portable. Si ce dernier est perdu, si la batterie est épuisée, ou s’il n’y a pas de couverture réseau, une panique irrépressible s’empare du propriétaire.

 

Ces chiffres sont effrayants. Ils montrent à quel degré d’aliénation est parvenu l’homme contemporain. Il a besoin d’une prothèse qui le protège de sa solitude, à laquelle il ne peut faire face. Il vit dans le divertissement, c’est-à-dire au sens propre le détournement de soi, et dans la dispersion continuelle. Le cerveau n’est pas fait pour être multitâche, et incessamment sollicité par les stimuli divers, comme les courriels, les SMS, etc., autant ceux qui sont à écrire que ceux auxquels il faut répondre. Quel temps reste-t-il pour la concentration, l’attention sur un seul sujet, la vacuité même de l’esprit qui est la condition essentielle de la créativité ? Cet écrasement sous une masse permanente d’informations est une vraie noyade spirituelle.

 

Le smartphone est le contraire de la liberté. Son possesseur y est attaché et ne peut s’y dérober, comme le chien accourt quand on le siffle : c’est une laisse électronique, qu’il faudrait briser si on en prenait conscience. Mais à voir tous ces esclaves penchés sur l’instrument qui les obsède, rares sont ceux qui peuvent le faire.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 5 juin 2017

 

D.R.

D.R.

***

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

Partager cet article
Repost0
10 décembre 2021 5 10 /12 /décembre /2021 02:01

Par la bouche du cardinal Pietro Parolin, le Vatican vient de s’opposer à un document interne de la Commission européenne, dont le retrait a été annoncé le 30 novembre, et qui préconisait de ne plus souhaiter « Joyeux Noël ! », de façon à respecter d’autres traditions religieuses différentes de celles des chrétiens. Le cardinal a déclaré dans une vidéo de 4 mn : « Nier les racines chrétiennes de l’Europe mettrait le Vieux Continent en danger » (Source : la-croix.com, 30/11/2021)

 

Je suis tout à fait d’accord avec cette opposition, même si je reste un peu dubitatif quant à l’expression : « racines chrétiennes ». En effet, Noël n’a plus guère aujourd’hui la signification de naguère : c’est plutôt une fête de l’Enfance en général, de sa magie et de ses promesses, qu’une référence au dogme de l’Incarnation. Mais il importe bien sûr de la garder, même pour ce qu’elle est devenue, comme toute fête riche de sens.

 

Au reste, un christianisme mature peut bien considérer les récits évangéliques de l’enfance de Jésus, comme ceux de l’évangile selon Luc (sans parler de ceux des apocryphes) comme de pures fictions littéraires. Ils font rêver bien sûr, mais il n’y a en eux rien d’historique. Il me semble, comme je l’ai dit dans mon dernier billet de Golias Hebdo, « Consubstantialité », que ce qui doit désormais compter essentiellement en christianisme est la voix de Jésus telle qu’elle nous est rapportée, enseignant une orthopraxie.

 

Mais de toute façon, le désir de gommer une fête d’origine religieuse sous prétexte de ne pas choquer les autres croyances est une catastrophe anthropologique. L’homme descend du Songe, et le déposséder de ses rêves est le déshabiller de sa substance même. Il y a en lui ce que Bergson appelait une « fonction fabulatrice », et que restera-t-il de lui si on lui ôte ses mythes et ses fictions ?

 

Que gagne-t-on, à remplacer les vacances de Toussaint par celles d’automne, celles de Noël par celles d’hiver, celles de Pâques par celles de printemps ? On appauvrit surtout l’imaginaire, qui n’a rien à voir d’ailleurs avec le catéchisme dogmatique. Comme Shéhérazade retient par ses récits le bras du Roi qui peut chaque soir la mettre à mort, l’homme parle devant la mort comme le causeur adossé à la cheminée. Ou bien comme la Petite marchande d’allumettes d’Andersen, il se réchauffe à la lumière de ses fictions et se protège de la nuit. Ces manteaux salvateurs, pourquoi vouloir les démanteler ?

 

D.R.

Noël,  fête de l'Incarnation de Dieu ?

 

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de michel.theron.over-blog.fr
  • : "Mélange c'est l'esprit" : cette phrase de Paul Valéry résume l'orientation interdisciplinaire de mon blog. Dans l'esprit tout est mêlé, et donc tous les sujets sont liés les uns aux autres. - Si cependant on veut "filtrer" les articles pour ne lire que ce qui intéresse, aller à "Catégories" dans cette même colonne et choisir celle qu'on veut. On peut aussi taper ce qu'on recherche dans le champ "Recherche" dans cette même colonne, ou encore dans le champ : "Rechercher", en haut du blog - Les liens dans les articles sur le blog sont indiqués en couleur marron. Dans les PDF joints, ils sont en bleu souligné. >>>>> >>>>> Remarque importante (avril 2021) : Vous pouvez trouver maintenant tout ce qui concerne la Littérature, la Poésie et l'Art dans mon second blog, "Le blog artistique de Michel Théron", Adresse : michel-theron.eu/
  • Contact

Profil

  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

Recherche

Mes Ouvrages