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10 novembre 2021 3 10 /11 /novembre /2021 02:01

Un ancien article paru dans Golias Hebdo en 2016, et figurant maintenant dans ma Petite philosophie de l'Insolite (éd. BoD, 2021) :

Intelligence*

O

n parle beaucoup de la récente et inattendue victoire de l’ordinateur développé par Google, AlphaGo, sur le champion du monde sud-coréen du jeu de go.

 

On se demande maintenant jusqu’où ira l’intelligence artificielle, et si elle ne va pas finir par détrôner l’intelligence humaine.

 

Je ferai remarquer d’abord que ces machines et les programmes qui les animent ont été créés par l’homme, ce qui est déjà une preuve de sa propre intelligence.

 

Ensuite, et plus profondément, il faut dire qu’il y a plusieurs formes d’intelligence. Certes, pour la puissance de calcul et le traitement des données emmagasinées dans une mémoire, aucun cerveau humain ne peut rivaliser avec un ordinateur. Les formidables groupements de données (les Big Data), lui seul peut les traiter correctement, les classer, en tirer des prévisions, etc.

 

Mais il ne le pourra que selon le protocole qu’on lui aura indiqué. Or celui-ci obéira forcément à une logique rigide basée sur les mathématiques. La caractéristique de leur langage est que chaque mot, même s’il est défini arbitrairement au départ, n’a qu’un seul sens.

 

Or cela n’a rien à voir avec le langage proprement humain, dont la sémantique est floue et ouverte, polysémique : les mots y changent de sens à chaque instant (sens propre, sens figuré, etc.), leur valeur peut y miroiter à chaque répétition ou occurrence (antanaclase), leur couleur affective aussi suivant le contexte d’énonciation (ironie, antiphrase, etc.), et le sens même peut tenir à leur absence (réticence, litote, etc.) Pour percevoir cela, c’est un autre type d’intelligence qui est sollicité, dont aucun ordinateur, si perfectionné soit-il, n’est capable.

 

C’est pourquoi, pour un texte complexe, aucun logiciel d’analyse lexicale ne rendra compte de son sens, pas plus qu’un programme automatisé ne pourra le traduire dans une autre langue, si puissants que soient les algorithmes utilisés.

 

On a tort, et cela se voit à l’école elle-même, de vouloir unir, sous le même vocable de QI, l’intelligence hypothético-déductive, et l’intelli­gence verbale et émotionnelle. Or ce sont deux phé­nomènes bien séparés. Laissons donc à l’ordinateur la première, et gardons précieusement la seconde, dans laquelle nous ne serons jamais détrônés.

 

[v. Traduction]

 

31 mars 2016

 

D.R.

 

***

 

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8 novembre 2021 1 08 /11 /novembre /2021 02:01

Un ancien article paru dans Golias Hebdo (novembre 2019), qui va être encore d'actualité lors de la prochaine campagne électorale.

Insulte 

C’

est le procédé que pratique quotidiennement l’actuel président des États-Unis à l’égard de ceux et celles qu’il n’aime pas.

 

Un florilège édifiant vient d’en être dressé par l’AFP, le 11/10/19, qu’on trouve sur Internet, avec le nom des destinataires : « lèche-cul », « raclure », « face de cheval », « Hillary-la-Crapule », « chienne », « foldingue », « ratée pleurnicheuse », « petit QI », « Fils de pute », « truie », etc. À quoi il faut ajouter l’expression d’une vidéo de 2005, exhumée en 2016, où l’homme d’affaires se vantait alors de pouvoir « choper les femmes par la chatte » – ce qui d’ailleurs ne l’a pas empêché ensuite d’être élu.

 

Ou même a contribué à l’être ! Car plus on vise bas, plus on plaît au peuple, dont on flatte les instincts. Celui-ci n’aime pas un langage châtié. Il préfère entendre, dans la bouche de celui qui se présente à ses suffrages, le langage dont lui-même se sert. C’est ce qu’ont bien compris, de tout temps, tous les démagogues. Le tragique de la démocratie est là : la majorité n’est pas toujours celle qui réfléchit le plus.

 

Une fois cette voie prise, l’agressivité déborde constamment. L’être s’animalise, comme il se voit par exemple dans Rhinocéros d’Ionesco : face à la foule victime de l’épidémie de « rhinocérite » et qui ne fait que barrir, le héros de la pièce est bien seul à vouloir encore parler un langage humain, c’est-à-dire mesuré et contrôlé par la raison.

 

Mais Donald Trump n’en a cure. Il aboie plus qu’il ne parle, comme un chien excité dans une meute, avant la curée et l’hallali. Dans sa bouche, chaque coup de langue devient un coup de lance. Et dans beaucoup de cas on ne lui en tient pas rigueur, car d’abord il peut mettre les rieurs de son côté, et ensuite beaucoup préfèrent la boxe à la réflexion.

 

Cette tendance n’est pas propre aux États-Unis. Combien de talk-shows politiques, chez nous même, n’intéressent les gens que s’ils y voient un pugilat, dont on compte les points ! Il n’est pas étonnant qu’insultes et noms d’oiseaux fusent librement, encouragés par les journalistes, auxquels ainsi le buzz est garanti.

 

L’insulte est un exemple particulier de cette absence de pensée, par quoi Hannah Arendt définissait le Mal. Mais prenons-y garde. On peut répondre à une insulte par une autre insulte, par pur réflexe. Ainsi on en vient d’abord aux mots, puis aux mains. Et quand on perd la civilité, le résultat peut être la guerre civile.

 

7 novembre 2019

 

D.R.

 

***

 

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6 novembre 2021 6 06 /11 /novembre /2021 02:01

I

l semble ne pas avoir de limites, et ne pouvoir jamais disparaître. Ce qui me semble insolite à notre époque paraît encore normal à beaucoup.

 

Ainsi j’ai appris (28 mai 2020) que juifs, musulmans et chrétiens ont prié ensemble à Jérusalem pour que Dieu mette fin à la pandémie due au coronavirus. Et on s’est félicité de l’œcuménisme manifesté à cette occasion, soulignant que cette prière collective a été faite « pour la première fois » (Source : nouvelles-du-monde.com, 22/04/2020).

 

Pour moi, je laisserai ici l’œcuménisme de côté, pour ne m’en tenir qu’à l’attitude témoignée dans cette prière, qui relève d’un total infantilisme.

 

Voici un de ses attendus : « Dieu, toi qui nous as épargnés de la famine et qui nous as fourni l’abondance, toi qui nous as libérés de la peste et de maladies graves et durables, aide-nous ! ». Autrement dit, nous ne sommes pour rien dans ce mal qui nous frappe, et c’est à toi de nous venir en aide. Cette attitude est celle d’un enfant qui implore son père de l’épargner, car c’est à lui qu’appartient la toute-puissance, et donc la seule capacité de le faire.

 

Le texte biblique d’ailleurs autorise cette vision, totalement infériorisante, et même potentiellement anéantissante pour l’être humain : « Je fais grâce à qui je fais grâce, et j’ai pitié de qui j’ai pitié. » (Exode 33/19 ; repris dans Romains 9/15) – On en a une excellente et terrifiante actualisation dans la Lettre au Père de Kafka : on y voit comment le pouvoir absolu et capricieux d’un Père Tout-puissant peut détruire son enfant. Voir ici mon article : On ne répond pas à son père.

 

Or un minimum de réflexion et d’écoute des spécialistes montre en l’espèce que le virus a une origine non pas divine, mais simplement humaine. Il est né d’un contact trop proche des hommes avec les animaux sauvages, du fait de la déforestation qui a créé cette proximité. Et la déforestation, processus anthropique par excellence, a pour origine la cupidité des hommes.

 

On peut s’étonner d’ailleurs que l’on ne parle aujourd’hui que de diffuser un vaccin pour le coronavirus, alors qu’on s’interroge très peu sur les causes qui l’ont fait apparaître. Comme toujours, on ne pense pas loin. On cherche à pallier une conséquence sans s’interroger sur la cause. Et il est évident qu’à fonctionner ainsi on ne réfléchit pas que de telles crises (qui avaient déjà été prévues au cours des années passées par les anthropologues) se reproduiront évidemment dans l’avenir. Des zoonoses on ira naturellement aux pandémies.

 

L’homme est responsable de ce virus qu’il a suscité : Dieu n’a rien à voir là-dedans. Et si on veut à tout prix maintenir son existence, il faut le concevoir tout autrement que comme un Père Fouettard ou un Père Noël.

 

 

> Article paru dans Golias Hebdo, le 28 mai 2020

 

 

D.R.

***

 

Ce texte est extrait du livre suivant, dont on peut feuilleter le début (Lire un extrait), et qu'on peut acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD) :

 

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

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> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

 

 

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Enfin n'hésitez pas à visiter mon blog artistique, pour voir des photos, des vidéos, des textes littéraires et poétiques :

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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