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5 janvier 2021 2 05 /01 /janvier /2021 02:01

Il paraît que 7,3 millions de Français prévoient de revendre leurs cadeaux de Noël, soit près d’une personne sur 5... Je me demande si cet échange traditionnel de cadeaux n’est pas une habitude simplement formelle, dépourvue de vraie signification.

 

Il est vrai qu’elle fait marcher le commerce, accentue la circulation des marchandises et de l’argent. Mais quel profit humain tirer de cet échange purement mécanique ? Il devient signe, et signe pur : le sens s’en évanouit.

 

Celui qui reçoit un cadeau doit y voir une intention vraie de faire plaisir, et y être sensible. S’il veut le revendre, c’est que cette intention n’est plus perçue, ou passe pour lui au second plan, derrière celle de se faire plaisir à soi-même. Vision et pratiques totalement égocentrées. L’autre n’est plus vu en tant que tel, plus respecté, plus digne de reconnaissance. À quoi sert alors de garder la pratique, si l’intention d’une complicité humaine en à cette occasion n’est plus vue ?

 

« La lettre tue, et l’esprit vivifie » : cette phrase de l’apôtre Paul (2 Corinthiens 3/6) est essentielle. L’échange purement formel des cadeaux appartient au seul domaine de la lettre. L’esprit en est absent. Et la réflexion aussi. Faire quelque chose machinalement, sans y associer une intention, c’est comme ne pas la faire. Je pense ici à un logion du Codex de Bèze qui n’a pas été retenu dans le texte reçu. Il a occupé C.-G. Jung toute sa vie, et on peut y voir un « verset satanique » des évangiles : « Le même jour, voyant un homme travaillant le jour du sabbat, il lui dit : ‘Si tu sais ce que tu fais, tu es heureux. Mais si tu ne le sais pas, tu es maudit et transgresseur de la loi.’ » (Luc 6/4) Autrement dit, il ne faut pas faire sans savoir ce qu’on fait, sans attacher à ce qu’on fait l’intention nécessaire pour que l’action soit pleine de sens, ou nous en donne l’impression.

 

On dira qu’il suffit de respecter Noël, ou les usages attachés par convention à telle ou telle date. Je n’en suis même pas sûr. Nous pouvons faire des cadeaux à tel ou tel moment qui nous convient, pourvu que nous donnions au cadeau son vrai poids d’humanité. Ne soyons pas ces « sépulcres blanchis » anathématisés par Jésus (Matthieu 23/27) : ils observent des rites, mais ne savent pas vraiment ce qu’ils font.

 

À vous donc qui vous demandez comment respecter les fêtes, et comment éviter le psychodrame qui leur est souvent attaché, je répondrai que vous pouvez faire qu’elles le soient vraiment et méritent leur nom, à n’importe quel moment de l'année : « Que votre volonté soit fête ! »

 

D.R.

 

***

 

Retrouvez tous mes articles de Golias Hebdo, publiés en plusieurs volumes, sous le titre Des mots pour le dire, chez BoD. Sur le site de cet éditeur, on peut en lire un extrait, les acheter... Cliquer : ici.

 

Notez qu'ils sont aussi tous commandables en librairie, et sur les sites de vente en ligne (Amazon, Fnac, etc.).

 

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23 décembre 2020 3 23 /12 /décembre /2020 02:01

    J'ai récemment relu les paroles du Credo, aussi bien dans sa version du Symbole des Apôtres, que dans celle de Nicée-Constantinople, et j’ai été frappé du fait que n’y figure en aucune façon ce que Jésus a enseigné durant sa vie. On n’y mentionne que sa naissance, sa passion, sa mort, sa résurrection, et l’attente de son retour futur, sa parousie, avec le Jugement corrélatif. Mais sur tout ce qu’il a pu dire pendant son magistère, même réduit à trois ans, il y a un silence complet, que je trouve bien singulier.

 

Y réfléchissant, je pense que c’est tout simplement la construction paulinienne qui sous-tend le Credo, et Paul n’était pas intéressé par l’ensei­gnement de Jésus, qu’il ne cite pratiquement jamais.

 

Il a construit un scénario du sacrifice rédempteur du Messie, emprunté pour une partie au chapitre 53 d’Isaïe sur le « Serviteur souffrant », qu’il a interprété à sa manière, bien différente de celle des juifs (qui ne voient dans ce passage qu’une allégorie des épreuves subies par Israël) – et en partie aux cultes à mystères païens très répandus à l’époque, où un dieu meurt et ressuscite pour le salut de ses fidèles.

 

Cette construction est à la base du christianisme majoritaire, dont Paul est le créateur, et c’est donc naturellement qu’elle se retrouve dans le Credo.

 

Je trouve dommage qu’elle puisse faire oublier ce qu’a pu être l’enseignement même de Jésus. Certes je comprends bien qu’elle puisse émouvoir profondément les foules, qui ressentiront toujours  une grande empathie pour un Messie crucifié. Mais enfin Jésus s’y trouve en quelque façon instrumentalisé, jusqu’à sa divinisation finale même, dont on peut juger qu’il n’eût pas voulu. Ainsi le Fils de Dieu est-il devenu Dieu le Fils, et notre Enseigneur, Notre Seigneur.

 

Quant au storytelling paulinien, il nous touche beaucoup certes, mais ne nous éclaire pas beaucoup sur la façon dont nous devons vivre dès ici-bas. Et pire, il peut mener, par l’imitation qu’il peut nous proposer, à faire, à l’image du « message de la croix » (1 Corinthiens 1/18), une croix sur notre vie même.

 

Bref, je préfère quant à moi le Christ enseignant qui nous sauve, au Christ qui nous sauve en saignant. Il me semble que l’accès à Jésus se fait mieux par ses paroles, que par une construction mythologique, si touchante soit-elle.

 

Un homme se connaît par ce qu’il a dit, plutôt que par ce qu’on nous a dit qu’il était : « Ses disciples lui disaient donc : ‘Qui es-tu ?’ Jésus leur dit : ‘Absolument ce que je vous dis’. » (Jean 8/25) – « Par les choses que je vous dis, ne savez-vous pas qui je suis ? » (Évangile selon Thomas, logion 43).

 

 

***

 

Remarque : Pour approfondir, on peut lire mon ouvrage Les Mystères du Credo – Un christianisme pluriel, éd. BoD, 2018 :

 

Les Mystères du Credo
Théron, Michel
20,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Peut-on légitimement parler du Credo de la foi chrétienne, alors qu'il existe deux textes historiques, le "Symbole des Apôtres" et le "Symbole de Nicée-Constantinople" ? L'Église catholique romaine les considère comme équivalents, mais qu'en est-il au juste, au-delà des idées toutes faites ? Ce livre-enquête montre que les deux Credos nous parlent sur des tonalités fort différentes l'une de l'autre, et présentent des scénarios divergents : la figure et le statut du (...)

Les Mystères du Credo
Théron, Michel
12,99Livre ebook
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Peut-on légitimement parler du Credo de la foi chrétienne, alors qu'il existe deux textes historiques, le "Symbole des Apôtres" et le "Symbole de Nicée-Constantinople" ? L'Église catholique romaine les considère comme équivalents, mais qu'en est-il au juste, au-delà des idées toutes faites ? Ce livre-enquête montre que les deux Credos nous parlent sur des tonalités fort différentes l'une de l'autre, et présentent des scénarios divergents : la figure et le statut du (...)

 
 
 

 

 
 
 

 

 

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19 décembre 2020 6 19 /12 /décembre /2020 02:01

La liquéfaction du sang de saint Janvier, dont l’ampoule se trouve dans la cathédrale de Naples, devait se produire comme tous les ans le 16 décembre, anniversaire de l’éruption du Vésuve qui avait épargné la ville en 1631. Or elle ne s’est pas produite, et les Napolitains sont inquiets, car c’est un très mauvais présage. Toutes les fois que cet événement est arrivé, de graves catastrophes ont suivi (Source : France Inter, 13-14, 16/12/2020).

 

Pourtant la science explique très bien la chose par le phénomène de thixotropie : un corps solide si on n’y touche pas peut devenir liquide si on l’agite, comme le fait d’habitude l’archevêque en agitant l’ampoule devant les fidèles.

 

Que penser alors des miracles ? Le Nouveau Testament les désigne par trois termes : dunameis (puissances), terata (prodiges), et semeia (signes). Pour les deux premiers, ce sont des transgressions des lois naturelles, et comme elles sont édictées par Dieu, on voit mal comment il voudrait de temps en temps transgresser ce qu’il a instauré. Mais l’essentiel est que ces prodiges proviennent non pas d’un acte souverain et unilatéral de Dieu venant à notre secours, mais d’une parole (rhèma) émanant de lui, à laquelle nous devons faire crédit pour qu’ils se produisent. Voyez ce que dit l’Ange à Marie lors de la scène de l’Annonciation : « Nulle parole venant de Dieu ne sera sans effet. » La réponse de Marie est bien : « Qu’il me soit fait selon ta parole. » (Luc 1/37-38) C’est parce qu’elle lui fait confiance que le prodige de la naissance virginale peut s’accomplir. Si ce crédit n’est pas accordé, le miracle ne se produit pas. Il dépend donc de nous, et de nous seuls, qu’une parole accueillie soit performative, fasse arriver ce qu’elle énonce. On est loin du miracle factuel éblouissant des superstitieux passifs.

 

Plus important encore est le mot de signe. Un signe ne cherche pas à subjuguer, mais à faire penser, réfléchir, indiquer des directions. Le signe doit être interprété symboliquement, comme par exemple la guérison de l’aveugle de Bethsaïda (Marc 8/23-25). Si Jésus s’y prend à deux fois pour lui redonner la vue, ce n’est pas parce que sa puissance est insuffisante, mais parce que toute thérapie, ici l’ouverture vers les autres d’un être au départ muré en soi, doit se faire par étapes.

 

Dans la vie, il faut grandir, comprendre qu’il est vain de s’imaginer que ce qu’on espère arrivera sans qu’on y mette aussi la main.

 

D.R. Le miracle de la liquéfaction du sang de saint Janvier (cliquez sur l'image).

 

***

 

Sur ces "miracles du sang", voir aussi :

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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