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28 octobre 2018 7 28 /10 /octobre /2018 02:01

Pour être intéressante d’un point de vue pédagogique, elle doit reposer sur le sentiment d’une analogie minimale admissible par la raison. Sinon, si les termes comparés sont manifestement trop éloignés et étrangers l’un à l’autre, leur mise en rapport ne peut emporter l’adhésion. Se justifie alors la phrase de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. »

 

C’est à quoi j’ai pensé en prenant connaissance d’une phrase du pape François à propos de l’avortement. Il a déclaré, devant les fidèles rassemblés place Saint-Pierre à Rome : « Est-il juste d’avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème ? » (Source : Lci.fr, 10/10/2018).

 

Cette mention d’un « tueur à gages » en cette matière me semble hors de toute proportion. L’hyperbole ou l’exagération qui y est contenue invalide à mon avis, du strict point de vue de la formulation, la position papale.

 

Sur le fond, il me semble d’abord que la question de l’avortement concerne les femmes elles-mêmes, et que c’est à elles, et non aux hommes, d’avoir un avis à ce sujet. D’autre part la sacralisation inconditionnelle de la vie ne résiste pas à l’examen. Qu’est-ce qui caractérise une cellule cancéreuse par exemple, sinon le fait qu’elle est malheureusement toujours vivante, et ne peut pas accomplir son suicide spontané, son apoptose ? Enfin que peut être la vie future d’un embryon, si physiquement une maladie de la mère l’a condamné à subir un grave handicap ? Et aussi affectivement, si sa conception a été le résultat d’un viol ?

 

Bien sûr l’avortement ne peut pas servir de moyen de contraception. Bien sûr aussi il est toujours une épreuve, et tous les couples qui y ont été confrontés n’ont pu qu’en retirer l’impression d’un tragique gaspillage. Mais enfin les grands principes psychorigides ne sont pas de mise en cette matière, comme en toutes les autres. Tout, y compris ce qui concerne la vie, est affaire de cas particuliers. Lao-Tseu a raison de commencer ainsi son Tao-te-King : « La Voie vraiment voie n’est pas une voie constante. Les termes vraiment termes ne sont pas des termes constants. »

 

D.R.

 

***

 

Nota : Ce texte est aussi publié en volume. Retrouvez-le, avec toutes mes chroniques revues et enrichies, réunies sous forme de livres édités chez BoD en version papier et en version électronique, et constituant une collection de plusieurs tomes :

 

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24 octobre 2018 3 24 /10 /octobre /2018 01:01

On se demande où va s’arrêter le nihilisme où s’engloutit chaque jour davantage le monde de l’art contemporain. Lors d’une vente aux enchères chez Sotheby’s à Londres, une toile de l’artiste Banksy, La Fille au ballon rouge, qui venait d’être adjugée au prix record d’1,2 million d’euros, a été déchiquetée en lamelles par une broyeuse dissimulée dans son cadre, télécommandée par l’artiste lui-même. Stupéfait, le public a mitraillé le dispositif, pour immortaliser le moment avant la destruction complète. Pour Nicolas Laugero Lasserre, spécialiste du street-art, Banksy « va devenir par ce coup de génie l’artiste le plus coté au monde » (Source : francetvinfo.fr, 06/10/2018).

 

Sans doute le geste iconoclaste de l’artiste avait-il pour but de montrer la totale déconnection du marché de l’art, où les prix atteignent des valeurs stratosphériques, avec la réalité des objets eux-mêmes proposés à la vente, soumis à la pure loi de la marchandisation et de la spéculation. Le même tableau vendu par un nom connu verra son prix s’envoler, et au contraire s’il est proposé par un inconnu il n’intéressera personne. On n’achète pas une œuvre, mais du vent médiatisé.

 

Le paradoxe est que cette entreprise faite pour dessiller les yeux des acheteurs est récupérée par le système lui-même, et qu’elle donne une plus-value à celui qui en est l’auteur. Plus l’artiste déconstruit le système, plus sa cote monte.

 

Comment expliquer cet aveuglement ? Je pense aux nobles qui assistaient aux pièces de Beaumarchais, et qui applaudissaient aux critiques mêmes dont ils y faisaient l’objet. Ne les comprenaient-ils pas ? Ou bien succombaient-ils à un vertige masochiste ? Ou les deux ?

 

Quoi qu’il en soit, ce système fou où toute notion de réalité est perdue subsiste, comme le disait Baudrillard de la société de consommation, « avec une fixité obscène ». Quelques tout petits pourcents de la population possèdent la majorité des richesses de la planète, dont ils n’ont que faire que de s’en amuser. Nous vivons une apocalypse joyeuse, et l’orchestre du Titanic continue de jouer en plein naufrage...

 

D.R.

 

***

 

Nota : Ce texte est aussi publié en volume. Retrouvez-le, avec toutes mes chroniques revues et enrichies, réunies sous forme de livres édités chez BoD en version papier et en version électronique, et constituant une collection de plusieurs tomes :

 

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21 octobre 2018 7 21 /10 /octobre /2018 01:01

Nous venons à peine de terminer nos vacances d’été, que déjà on nous propose des destinations pour celles de Toussaint, voire celles de Noël. J’ai pensé alors à la belle formule d’Angelus Silesius, dans Le Pèlerin chérubinique : « Arrête-toi, où veux-tu encore aller ? Le ciel est à l’intérieur de toi. Si tu le cherches ailleurs, jamais tu ne le trouveras. » (I, 82)

 

Je regrette beaucoup la fin de l’intériorité chez nos contemporains. Ils comblent leur vide intérieur par des voyages incessants. À eux s’applique le conseil de Sénèque à Lucilius : « Tu fuis avec toi-même. C’est d’esprit que tu dois changer, non de ciel (Tecum fugis. Animum mutare, non caelum) ». En fait le vrai ciel, le ciel spirituel, c’est en soi qu’on le trouve, par le recueillement immobile.

 

Je pense aussi à la demande du Notre Père concernant le Royaume ou le Règne : c’est à lui de venir en nous, et non à nous d’y aller. On lit plus loin : « Comme au ciel, ainsi sur la terre ». L’ordre des mots est très important : si le ciel est ainsi mis en premier, c’est qu’il doit descendre en nous, et que notre vie dès maintenant peut être céleste. Mais quand on traduit chez nous par inversion des termes : « Sur la terre comme au ciel », on fait de la terre une simple antichambre du ciel, vers quoi on nous invite à aller. Bossuet comprenait : « Que ce qui se commence ici, s’achève là ! » Mais à quoi sert de se déplacer, si la destination est déjà présente ?

 

En vérité, le Royaume est « à l’intérieur de vous », comme le dit l’évangile de Luc (17/21), malgré toutes les traductions faussées qu’on fait de ce passage (« parmi vous », etc.), en faisant passer l’idéologie avant la philologie. Tant l’intériorité fait toujours peur, et tant on préfère l’attente des choses toujours différée à la possibilité de leur présence immédiate ! C’est bien lâcher la proie pour l’ombre.

 

Les agents de voyages ne comprendront pas grand-chose à ces considérations. Laissons-les à leurs mercantiles calculs. Et rassurons ceux qui attendent de l’extérieur ce qui jamais n’arrivera. Car que peut-il arriver qui ne naisse pas de nous-mêmes ?

 

D.R.

 

***

 

Pour un développement des idées contenues dans cet article, on peut se reporter à mon ouvrage La Source intérieure, préfacé par André Gounelle :

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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