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7 avril 2022 4 07 /04 /avril /2022 01:00

Interrogée sur le plateau d’A2, le 31 mars dernier, pour savoir si, une fois la guerre russo-ukrainienne terminée, elle pourrait considérer à nouveau Vladimir Poutine comme un « allié », la présidente du Rassemblement national a répondu par l’affirmative, assortie d’un « bien entendu ».

 

Elle a ajouté qu’on pourrait avoir à nouveau besoin de l’aide du président russe, pour lutter contre le djihadisme. Elle devait penser que pouvait se renouveler ce qui s’est déjà produit en Syrie, où la brutalité russe a fait merveille en affichant cet objectif, en réalité un prétexte, cette opération ayant été déclenchée pour servir la Russie et pour des raisons géostratégiques : maintenir le dirigeant syrien au pouvoir.

 

Voilà donc la realpolitik. Il faut toujours ménager l’avenir, on ne sait pas ce dont on pourrait avoir besoin, la Russie est un grand pays, il ne faut pas se fâcher avec elle, aucune morale ne tient devant des rapports de force, etc. Le cynisme ici ne se cache pas, et on est bien édifié sur ce que ferait cette dame, si elle arrivait au pouvoir chez nous.

 

Elle voit la politique internationale de façon strictement utilitaire, comme un échange de bons procédés ou un renvoi d’ascenseur. Comme dit le proverbe tiré du Médecin malgré lui de Molière : « Passe-moi la rhubarbe, je te passerai le séné ». C’est ainsi d’ailleurs que tous les coquins du monde s’entendent entre eux.

 

Quant aux victimes du conflit, elle ne leur manifeste pas une particulière empathie. Il est vrai qu’elle la réserve aux seuls Français, qu’elle infantilise en les maternant.

 

En somme, au regard de sa réaction sur Vladimir Poutine, sa position se range à ce que soutenait Machiavel : l’important dans tout ce qu’on fait est le résultat, peu importent les façons d’y arriver. Bref, la fin justifie les moyens. Tout le reste est angélisme.

 

Je sais bien qu’Hegel par exemple critique dans sa Phénoménologie de l’Esprit la « belle âme », ou la « conscience malheureuse ». Il s’agit de tous ceux qui maintiennent encore une exigence morale dans l’action publique.

 

Ce débat est de tout temps. Ainsi Sartre dans Les Mains sales a voulu défendre l’idée que tous les moyens sont bons dans l’Histoire quand ils sont efficaces, peu importe qu’on s’y salisse les mains. Mais à côté de lui il y avait Camus, qui soutenait au contraire, dans Les Justes par exemple, que tous les moyens ne sont pas bons.

 

Je suis tout à fait de l’avis de ce dernier. Et je pense que si fondée que soit une conduite, l’usage de certains moyens suffit à la disqualifier. A fortiori quand il s’agit comme aujourd’hui d’une agression délibérée et d’une œuvre de mort. Les crimes commis par l’armée russe sont imprescriptibles, et suffisent à jeter définitivement l’opprobre sur celui qui les a ordonnés ou couverts. Tant qu’il restera au pouvoir, il doit être infréquentable. La morale ici n’est pas accessoire, elle est essentielle. Sauf à y perdre la dignité qui nous reste.

 

D.R.

 

***

 

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5 avril 2022 2 05 /04 /avril /2022 01:00

Elle est progressive, mais inéluctable. Ainsi nos Journaux télévisés maintenant font passer peu à peu à l’arrière-plan les nouvelles de la guerre en Ukraine. En « Une » ils mettent le prix de l’essence, l’inflation, le pouvoir d’achat, etc. Cela ne veut pas dire que le conflit ukrainien perd de sa virulence, loin de là : c’est même plutôt le contraire de jour en jour. Mais enfin on pense que le public chez nous va s’en lasser, et on prend les devants pour lui complaire.

 

Sur un site Internet consacré aux performances de la Bourse, j’ai vu que par rapport à la guerre les investisseurs veulent maintenant « tourner la page », et « passer à autre chose ». Autrement dit l’Ukraine peut bien être détruite, désormais on s’en accommode, c’est derrière nous, et les affaires continuent comme d’habitude : business as usual. Est-il rien de plus cynique que cette attitude ? Est-il rien qui ne soit pourri par ce capitalisme effréné ?

 

Les investisseurs ou plutôt ici les spéculateurs boursiers ne font pas même réflexion que cette guerre pourrait bien changer le cours de la mondialisation, comme je l’ai déjà évoqué (lien). On ne réfléchit pas, on navigue à vue, on va de panique justifiée en euphorie absurde. Comme l’orchestre sur le pont du Titanic continuait de jouer en plein naufrage. On ne voit pas que la musique puisse s’arrêter, et on continue de danser.

 

Qui parle même, à l’occasion de cette guerre, d’économies à faire chez nous, de vie plus frugale à adopter ? Ce serait pourtant le moins qu’on puisse faire, et qui serait un hommage symbolique au peuple ukrainien : on prendrait par là une petite part à son épreuve. Mais non, on ne parle que de maintenir le pouvoir d’achat. On ne pense pas au simple pouvoir d’être : être un humain, dans la dignité et l’empathie.

 

Bien sûr on oubliera petit à petit les images de bâtiments dévastés, de civils tués, et on regardera ailleurs. On ne pensera plus à ce que dit La Bruyère : « Il y a une sorte de honte à être heureux, à la vue de certaines misères. » Ou encore à ce qu’avoue le personnage de Thérèse, dans La Sauvage d’Anouilh : « Il y aura toujours un petit chien crevé quelque part qui m’empêchera d’être heureuse. »

 

On dit que l’oubli est nécessaire pour pouvoir continuer à vivre. C’est peut-être vrai parfois. Mais il y a des cas, comme aujourd’hui, où il apparaît comme la pire des trahisons.

 

Pendant la récente crise sanitaire, on prenait de bonnes résolutions, et on parlait souvent du « monde d’après », plus responsable, plus attentionné pour l’essentiel. Eh bien, à voir ce qui se passe chez nous maintenant, ce monde d’après ressemble bien au monde d’avant.

 

D.R.

 

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3 avril 2022 7 03 /04 /avril /2022 01:00

La guerre russo-ukrainienne est en passe d’y mettre fin. En effet jusqu’à présent les pays occidentaux voulaient faire du commerce avec tous les autres pays du monde, quel que soit leur régime politique, pensant que les intérêts matériels de chacun surpassaient toute autre considération. On pouvait fermer les yeux sur tout le reste, comme la liberté et les droits de l’homme, l’essentiel était de faire des affaires comme à l’habitude : business as usual.

 

C’est cette illusion qui tombe aujourd’hui. On commence à voir, à l’occasion tragique de ce qui se passe sous nos yeux, que les hommes ne sont pas toujours mus par leurs intérêts, mais aussi par leurs affects, leurs passions.

 

Il serait intéressant de se demander ce qui a poussé Vladimir Poutine à déclencher son invasion. Je pense que ses intérêts matériels n’ont pas été sa seule motivation. Il y a éprouvé un grand sentiment d’humiliation lors de l’effondrement de l’URSS. Nostalgique de sa grandeur perdue, il n’a pas admis de ne plus être traité comme le chef une grande puissance (Obama a traité son pays de « puissance régionale »). Avec tout cela il a voulu prendre des revanches successives, jusqu’à son agression actuelle. Sans doute aussi a-t-il été mu par la peur, qui s’est tournée en violence, comme je l’ai suggéré (lien). L’intérêt dans tout cela en tout cas est loin d’être tout.

 

De même, à la différence du patriotisme, qui est cohérent et « rationnel » (défendre son bien), on peut dire que le nationalisme est une passion irrationnelle, et extrêmement néfaste. Il porte la guerre comme la nuée porte l’orage.

 

Les hommes en général peuvent ne pas prendre en compte leur intérêt, ou le sacrifier, quand ils sont mus par la colère ou le désir de nuire. « Sans souci pour elle-même, pourvu qu’elle nuise à autrui » – Sui negligens, dum alteri noceat : voilà ce que dit Sénèque de la colère dans son De ira. On peut prendre aussi l’exemple des abeilles, qui comme le dit Virgile meurent après avoir piqué celui qui les menace : Animasque in vulnere ponunt – Et elles laissent leur vie dans la blessure. Il y a parfois un total désintéressement même dans l’agressivité.

 

L’erreur chez nous a été de survaloriser en l’homme le calcul et l’intérêt. L’homme n’est pas que rationnel, ou raisonnable. Son irrationalité éclate aujourd’hui. Mais je ne pleurerai pas sur le monde des affaires, qui voit maintenant s’écrouler ses projets d’enrichissement sans fin.

 

D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
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