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28 mars 2023 2 28 /03 /mars /2023 01:00

D

ans une récente interview au Figaro, notre président a dit : « La France a des racines chrétiennes, et même judéo-chrétiennes, c’est une réalité historique qu’il serait absurde de nier ! Voyez le long manteau d’églises et de cathédrales qui recouvre notre pays…»

 

Bien sûr notre chanoine de Latran va satisfaire les traditionnalistes. Le problème toutefois n’est pas de l’existence chez nous des monuments religieux, mais celui de la signification qu’ils incarnent, riche d’ambiguïtés, et donc celui de l’oppor­tunité de la déclaration présidentielle dans un pays laïque.

 

Le christianisme, ou le judéo-christianisme comme il est dit ici, comporte dans ses textes fondateurs des strates rédactionnelles très différentes, dont certaines sont très pacifiques et tolérantes, mais d’autres au contraire d’une extrême violence et agressivité.

 

Voici deux passages entre maints autres. Dans la Bible juive, Dieu dit : « Moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent. » (Exode 20/5)

 

Et dans le Nouveau Testament chrétien, Jésus dit : « Les fils du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. » (Matthieu, 8/12) Or ces « fils du royaume » sont les juifs, ce qui problématise bien l’idée de « judéo-christianisme », et a pu alimenter vingt siècles d’antijudaïsme chrétien. – À côté de cela aussi innombrables sont les passages disant que la colère de Dieu s’abattra sur les non-croyants en général. Bref, rien ici d’apai­sé et d’« humaniste ».

 

Aussi, si belles que soient cathédrales et égli­ses avec leur « long manteau », elles ne peuvent faire oublier certains passages des textes fondateurs, que l’on a gardés dans le canon du christianisme majoritaire, au mépris des options de ceux qui auraient voulu les en expurger, et qui, tels Marcion ou les Gnostiques par exemple, ont été décrétés hérétiques.

 

On nous dit que ces passages n’ont de sens que dans un certain contexte historique. Mais pourquoi avoir couru le risque de les garder, et de les voir interpréter littéralement encore aujourd’hui par certains esprits et dans certains milieux fonda­mentalistes ? La sagesse politique, devant de telles ambiguïtés, est de s’en tenir à l’écart, et de respecter en ce domaine une stricte laïcité, dont la ligne jaune me semble ici avoir été franchie.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 1e mars 2012

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

 

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27 mars 2023 1 27 /03 /mars /2023 12:25

Le danger qu'il y a à contempler la Beauté :

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26 mars 2023 7 26 /03 /mars /2023 01:00

C

omme il y a des promotions-canapé, il y a des promotions-placard. Par exemple d’un syndicaliste gênant pour le pouvoir on fera un ministre, et désormais il ne gênera plus. Souvent se vérifie l’adage latin : Promoveatur ut amoveatur – Qu’il soit promu pourvu qu’on s’en débarrasse !

 

Il en est de même me semble-t-il pour la promotion dont Jésus a fait l’objet au fil du temps, au point d’être, assurément malgré lui, à la fin divinisé. Là encore je pense au mot de Caracalla, qui admit l’apothéose de son frère Geta assassiné par lui, en disant : Sit divus dum non sit vivus – Qu’il soit un dieu pourvu qu’il ne soit plus vivant !

 

Celui qui disait encore : « Le Père est plus grand que moi » (Jean 14/28), donc qui se situait au-dessous du Père, se contentant d’être un exégète de sa parole (Jean 1/18), est devenu à Nicée, en 325, consubstantiel au Père, c’est-à-dire de même substance que lui, finalement égal à lui en importance. Désormais on a moins écouté ses paroles qu’on n’a baissé la tête devant lui. Et son message, son enseignement ont été désamorcés. Ils ne figurent plus d’ailleurs, et c’est très significatif, dans le Credo chrétien.

 

C’était un message de libération, tel qu’on le voit encore dans les Béatitudes évangéliques. Il pouvait donner espoir aux hommes. Jésus n’y était qu’un prophète, essentiellement de la Justice, et un prophète se situe toujours au-dessous de la Parole qu’il porte.

 

Mais lorsqu’il est devenu, d’abord avec Paul qui ne l’a pas connu et à mon avis l’a totalement instrumentalisé, le Messie crucifié pour le salut des hommes, et ensuite au fil des différents conciles la seconde personne de la Trinité, ce qu’il est aujourd’hui dans le christianisme majoritaire, alors toute velléité de rébellion sociale et politique a disparu dans le cœur des hommes. Celui qui n’était à l’origine que Fils de Dieu est devenu Dieu le Fils. Or on ne se révolte pas devant un Dieu : on l’adore seulement. [v. Trinité]

 

En suite de quoi l’Église chrétienne a pris le relais, et d’un Dieu mandant elle s’est instituée mandataire. Il va de soi qu’on ne se rebelle pas non plus contre une Institution qui se réclame d’un Dieu, contre une théocratie, et qui de cette délégation divine tire son pouvoir sur les esprits et les âmes.

 

J’ai pensé à tout cela en lisant les récentes instructions papales pour une nouvelle évangélisation. Dans son discours du 13 juin 2011, en la basilique de Saint-Jean de Latran, Benoît XVI a déclaré : « Si les hommes oublient Dieu, c’est parce que l’on tend souvent à présenter Jésus seulement comme un homme sage et à affaiblir voire nier sa divinité ». Que n’a-t-il écouté davantage l’Histoire et ses mises en perspective ! Mais il est vrai qu’on est toujours réticent à admettre ce qui va contre ses propres intérêts, et à scier la branche sur laquelle on est assis…[1]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 14 juillet 2011

 

[1] Sur le double statut de Jésus, on peut voir mon livre Les Mystères du Credo – Un christianisme pluriel (versions papier et e-book). - Voir la présentation ci-dessous :

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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