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30 juin 2022 4 30 /06 /juin /2022 01:00

U

ne version à peine métaphorique vient d’en être donnée par l’entreprise californienne Ambrosia LLC, qui propose à ses clients, pour la somme de 8.000 dollars, une transfusion de sang provenant d’un sujet jeune, qui pourrait ainsi ralentir le vieillissement du receveur.

 

Elle mise sur une discipline scientifique peu connue appelée parabiose, déjà étudiée chez les souris, qui explore la possibilité que le sang jeune transfusé chez une personne âgée puisse inverser les symptômes du vieillissement. Ce plasma vient donc d’adolescents et de jeunes adultes, âgés maximum de 25 ans. Pour les clients, il faut avoir 35 ans minimum, mais le directeur de l’entreprise confirme que la plupart sont proches de la retraite (Source : Mashable.france24.com., 02/06/2017).

 

Cela signifie donc vider des adolescents de leur sang au profit des personnes âgées. Deux remarques alors viennent à l’esprit.

 

D’abord cette obsession de l’allongement de la vie, très répandue dans la Silicon Valley, qui sous-tend aussi le mouvement transhumaniste, montre la déraison ou l’hybris de l’homme occidental : la mort en tant que destin inéluctable n’est plus acceptée, et on ne voit pas quelle borne pourrait être mise à cette ambition dont l’horizon est l’immortalité.

 

Ensuite, et c’est sûrement plus grave, on voit avec horreur se développer une société duale, où les riches prospèreront sur la détresse des pauvres, se nourrissant littéralement de leur substance.

 

On connaît le cas de la comtesse Erzsébet Báthory, qui pour garder une éternelle jeunesse se baignait dans le sang de vierges : l’histoire en est racontée dans le film de Julie Delpy, La Comtesse (2009).

 

Mais aussi je pense au film prémonitoire d’Alain Jessua, Traitement de choc (1973), où une clientèle fortunée séjournant dans une clinique de luxe profitait du sang prélevé sur de pauvres ouvriers portugais employés dans cette institution.

 

Ne sourions pas des fictions fantastiques et des visions d’horreur, telles celles concernant les Vampires. Elles peuvent bel et bien se réaliser.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 22 juin 2017

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

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28 juin 2022 2 28 /06 /juin /2022 01:01

U

ne chose quelconque comporte plusieurs types de valeur : une valeur d’usage, liée à l’utilisation que nous en pouvons faire ; une valeur de représentation, liée à l’importance que nous lui donnons par rapport au regard d’autrui supposé envieux de sa possession ; et une valeur d’échange, liée à ce qu’elle représente si nous la troquons contre une autre.

 

Si la première valeur est assez facilement discernable et peu variable, les deux dernières, qui au reste sont très liées, sont très aléatoires. Par exemple un arbre a comme valeur d’usage l’om­bre qu’il nous dispense si nous voulons nous abriter sous ses branches. Comme valeur de représentation, le prestige que nous en pouvons tirer, s’il est à nous, aux yeux des autres. Et comme valeur d’échange, ce qu’il signifie en termes d’argent si nous décidons de le vendre, c’est-à-dire de le céder contre ce qui peut nous permettre d’acheter autre chose si nous le décidons.

 

 

J’ai pensé à tout cela en lisant une dépêche de l’A.F.P. en date du 20/03/2013 : un bol chinois qui avait été acheté 3 dollars en 2007 par un particulier lors d’un vide-grenier, a été adjugé la veille pour 2,33 millions de dollars chez Sotheby’s à New-York. On a découvert en effet que le petit ustensile de 12 cm de diamètre était en fait un bol millénaire, datant de la dynastie Song.

 

Nous voilà donc bien loin de la valeur d’usage du bol, qui sert normalement de contenant et que nous pouvons utiliser en tant que tel et dans ce cadre strict. Il aura suffi d’une expertise de spécialiste pour que l’objet change totalement de sphère, et que le propriétaire d’un ustensile bien banal se trouve à la tête d’une colossale fortune (valeur d’échange), et envié de tous (valeur de représentation). Le décalage entre la première valeur et les deux autres dépasse tout entendement.

 

Je vois là un symbole de la folie humaine, qui atomise toute proportion entre les choses. Disparaît ici toute raison (raison et proportion ont la même racine : ratio, en latin). On quitte la vie normale, pour entrer dans le domaine du pur artifice.

 

Et l’abîme se creuse entre ceux qui en tirent profit, et les autres, qui restent dans le plus pur dénue­ment. Pensons aux énormes différences sociales d’aujourd’hui. Faudra-t-il suggérer aux pauvres de garder précieusement leur misérable vaisselle, si encore ils en ont une, au cas où… ?

 

Article paru dans Golias Hebdo, 4 avril 2013

 

D.R.

 

***

 

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26 juin 2022 7 26 /06 /juin /2022 01:00

La Cour suprême états-unienne vient de donner aux états la possibilité de revenir sur le droit à l’avortement. À cette occasion l’ancien président Trump a dit que « c’était la volonté de Dieu » (Source : Ladepeche.fr., 25/06/2022).

 

Je ne sais s’il le pense vraiment, ou si cette parole n’a pas d’autre but que de galvaniser ses partisans, de les souder autour de lui en vue par exemple d’une prochaine candidature qu’il pourrait présenter à la prochaine élection présidentielle. Auquel cas il y aurait là une manœuvre politique, et la « volonté de Dieu » serait en la matière instrumentalisée par calcul.

 

Mais cette instrumentalisation est aussi générale dans la majorité des esprits croyants. Au lieu de parler modestement de Dieu comme d’une simple limite mise à nos possibilités de compréhension, on s’avise de vouloir savoir ce qu’il fait, ce qu’il pense, ce qu’il veut, etc. On le fait servir à nos moindres caprices, et on projette sur lui ce que l’on sent en soi. Voltaire déjà remarquait que si Dieu a fait l’homme à son image, l’homme le lui a bien rendu. De façon tout à fait anthropomorphique il s’en fait une idée selon ce qu’il en imagine, et il le fait parler comme lui le veut.

 

Cela sert évidemment les prêtres, pasteurs, rabbins, imams, ministres des cultes divers, etc., tous les directeurs du troupeau fidèle. Quel ascendant ont-ils sur les âmes, qu’ils dirigent de cette façon ! Là le ressort de cette posture n’est bien souvent que le désir humain de pouvoir.

 

Mais aussi je dirais la même chose, bien qu’ils soient souvent innocents de ce désir, des théologiens. Ils s’arrogent le droit de discourir sur Dieu, comme s’il s’agissait d’un être sondable ! Tout ce qu’on peut dire de lui est par nature condamné à être pure fiction. La théologie, disait fort justement Borges, est « une branche de la littérature fantastique ».

 

La seule théologie pertinente, à mon sens, est au rebours de ce que dit son nom (discours sur Dieu) la théologie apophatique, ou négative : de Dieu on ne peut dire que ce qu’il n’est pas. Et de lui on ne sait rien, puisqu’il est précisément la limite métaphorique de tout langage et de toute pensée. Évidemment la seule option alors est le silence. Comme dit Lao-Tseu à propos du Tao : « Celui qui parle, ne sait pas. Celui qui sait, ne parle pas. »

 

Que de bavards donc, qui prennent Dieu comme prétexte, pour en réalité l’instrumentaliser, et se dire eux-mêmes !

 

D.R.

 

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  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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