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18 juin 2022 6 18 /06 /juin /2022 01:00

S

e développe actuellement ce qu’on appelle un « tourisme noir », qui consiste à aller visiter les lieux où se sont produites des catastrophes, soit naturelles comme des tremblements de terre, tsunamis, etc. – soit industrielles, comme celle de Tchernobyl, etc. – soit enfin dues à la barbarie humaine, comme les camps de concentration nazis, le goulag soviétique, etc.

 

Des tour operators proposent, avec un succès croissant, des visites en ces lieux, et même des séjours dont l’ambition est de recréer l’atmos­phère qui y a été vécue. Un beau livre est sorti là-dessus à la fin de l’année dernière, illustré de photographies : Le Tourisme de la désolation, par Ambroise Tezenas, aux éditions Actes Sud.

 

Pour justifier une telle pratique, certains arguent d’un salutaire « devoir de mémoire », dont l’occasion serait ainsi offerte à tous.

 

D’autres disent qu’il faut faire vivre l’histoire pour mieux la comprendre, et ainsi une immersion dans ces lieux tragiques, même au prix d’une reconstitution théâtrale, donc totalement artificielle comme dans une émission de téléréalité, procurerait une émotion spécifique que le seul savoir abstrait ne pourrait donner.

 

Je ne suis absolument pas d’accord avec cette façon de voir, dans tous les sens de l’expression. Il me semble que cette « consommation de l’hor­reur » dans le cadre d’un tourisme de masse ne peut pousser à la réflexion et au recueillement.

 

C’est bien plutôt donner des gages au voyeurisme, à la curiosité malsaine, au divertissement et même au narcissisme, attitudes totalement dépourvues d’implication et d’empathie pour ce qui est vu : le livre susdit montre, pour le musée du génocide de Tuol Sleng au Cambodge, des graffitis de touristes qui ont gravé leur passage sur les murs des bâtiments ayant servi à exterminer une population. Par rapport aux gens qui ont souffert en de tels lieux, il y a non seulement récupération mercantile, mais encore obscénité morale.

 

Je ne serais même pas étonné que des gens se prennent en photo, sur le mode du selfie, devant ces sinistres lieux ! Alors leur sens profond disparaîtrait derrière la glorification de l’ego du touriste.

 

Claude Lanzmann dans Shoah n’a fait que filmer des traces sur le sol, et donner à entendre des témoignages oraux. L’indicible en effet dépasse toute vision. Le désir de voir, la pulsion scopique, doivent être bannis dans de tels contextes. C’est face à l’horreur le seul acte respectueux qui s’im­pose.

 

[v. Impudeur]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 9 avril 2015

 

D.R.

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

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16 juin 2022 4 16 /06 /juin /2022 01:00

C’

est le fait d’imposer à chacun une façon unique de penser et de se comporter.

 

Un exemple nous en est fourni par la Suède, où un lobby féministe influent fait pression pour que la société ne soit pas seulement sexuellement égalitaire, comme on pourrait s’y attendre, mais bel et bien neutre. Ainsi les parents sont-ils invités à choisir n’importe quel prénom pour leur enfant, sans tenir compte de son sexe : par exemple on pourrait appeler une fille Jack, et un garçon Lisa (Source : Slate.fr, 27/05/2012).

 

Désormais les prénoms unisexes, qu’on dit en grammaire épicènes, comme Dominique, ou Clau­de, etc., ne suffisent pas. Il faut aller plus loin, et tout « neutraliser ». Ainsi on veut que les pronoms « il » ou « elle » (« han » et « hon » en suédois) soient remplacés par pronom neutre, « hen », pour parler d’une personne sans mentionner son sexe.

 

Rien n’arrête cette tendance. La fédération suédoise de bowling a annoncé son intention de fusionner les tournois féminins et masculins afin de neutraliser ce sport. Des politiciens socio-démocrates ont proposé l’installation de toilettes neutres pour que les citoyens ne soient plus obligés de se catégoriser en dames ou messieurs, etc.

 

Mais va-t-on « neutraliser » l’haltérophilie, ou la boxe ? On en sourirait si on n’y voyait une intention d’imposer à tout le monde une même façon de voir, qui est le propre même du totalitarisme. Derrière tout cela se profile un fanatisme normatif inquiétant.

 

Ainsi les Verts suédois ont-ils suggéré la mise en place de « pédagogues du genre » dans toutes les écoles maternelles de Stockholm, afin qu’ils puissent agir en « chiens de garde » du processus de « neutralisation ».  Sinistre vocabulaire policier !

 

Et pauvres enfants, à qui on veut enlever leurs petites autos, s’ils sont des garçons, ou leur landau, s’ils sont des filles ! Les dégâts psychologiques sont incalculables : on va culpabiliser le choix de tel ou tel jouet, sous prétexte que plus tard cela sera source de stéréotypes !

 

Et si l’enfant est porté naturellement vers ce qu’on lui interdit, au nom de quoi faire cette interdiction ? Si un petit garçon veut s’habiller en pirate, et une petite fille en princesse, qui suis-je pour les en empêcher (comme dit le pape pour les homosexuels candidats au mariage !) ? Qui suis-je pour jeter la confusion dans ces petits esprits, si fragiles encore ? Ce funeste lobby liberticide, qui peut déteindre chez nous, ne fait qu’opérer un nouveau Massacre des Innocents !

 

Article paru dans Golias Hebdo, 6 mars 2014

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
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14 juin 2022 2 14 /06 /juin /2022 01:00

O

n en a vu un il y a quelques jours se promenant en liberté dans la campagne de Seine-et-Marne.

 

La radio a immédiatement recommandé aux enfants de ne pas sortir, et aux adultes de ne se déplacer qu’en voiture. Elle a tout de même précisé qu’on ne savait pas d’où il venait, s’il s’était échappé d’un cirque, etc. Deux cents policiers et gendarmes ont été mobilisés à cette occasion, et des spécialistes des félins appelés à la rescousse. J’imagine le frisson que toutes ces informations alarmistes ont dû produire chez les habitants de ce pays.

 

Eh bien, ce fut à tort. Car après de nouvelles analyses réalisées par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et le Parc des félins, un zoo spécialisé du département, des examens plus poussés des empreintes ont montré que l’animal, qui aux dernières nouvelles court toujours à une quarantaine de kilomètres à l’est de Paris, est un félin de petite taille, bien loin du fauve menaçant qu’on redoutait. Même la piste du lynx a été exclue. Selon l’ONCFS, le seul félin présent à l’état sauvage en Seine-et-Marne est un « chat forestier », un animal inoffensif qui ressemble à un gros matou (Source : 6Medias, 15/11/2014).

 

Ce m’est ici l’occasion de réfléchir au pouvoir amplificateur de l’imagination, que Pascal appelait une « puissance trompeuse ». Vue de loin, n’importe quelle bête, telle celle du Gévaudan, peut sembler un monstre. Les Latins le disaient bien : Major e longinquo reverentiaLa considération augmente avec la distance. Puis la contagion de la peur fait le reste. Et au lieu de s’assurer de la réalité des faits, on va toujours aux supputations sur les causes, comme Fontenelle l’a montré dans son Histoire des Oracles, avec le fameux épisode de la « Dent d’or ».

 

Ce tigre n’était donc qu’une projection imaginaire d’individus apeurés. Il pourrait faire la matière d’une fable, qu’on pourrait aussi appliquer aux hommes, comme La Fontaine le fait dans « Le Chameau et les bâtons flottants » (Fables, IV, 10) :

 

« J’en sais beaucoup de par le monde

À qui ceci conviendrait bien :

De loin, c’est quelque chose, et de près ce n’est rien. »

 

Combien de puissants de ce monde ne sont que des « tigres de papier » ! Ils n’ont de stature que celle que nous leur donnons. Comme le dit La Boétie : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » Ce sont nos peurs, nos projections, qui créent notre obéissance, qu’on peut donc mettre en question si on comprend bien le phénomène. Pascal de même parlait du pouvoir sur nous-mêmes de l’imagination, « puissance trompeuse ». – Merci donc à ce « tigre » inopiné, qui m’a permis une réflexion philosophique !

 

Article paru dans Golias Hebdo, 4 décembre 2014

 

D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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