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19 mai 2022 4 19 /05 /mai /2022 01:00

C

e néologisme est un mot-valise formé en 2015 à partir de Smartphone et de zombie. Il désigne un piéton ayant les yeux rivés à son téléphone mobile au point de négliger son environnement immédiat et ne pas faire preuve de l’attention requise pour sa propre sécurité et celle des autres (Source : Wikipédia).

 

Cette pratique est extrêmement risquée : en France, 475 piétons traversant la rue en ne regardant que leur portable ont été tués en 2018. Pour remèdes, on a imaginé des bandes lumineuses clignotantes disposées à même le sol dans les endroits-clés, comme les carrefours. Ou bien des avertisseurs sonores, ou des pancartes portant : Look up ! (Regardez en haut !). Dans le cas le moins bienveillant, on a décidé d’infliger des amendes à ces inconscients. (Source : Francetvinfo.fr, 23/04/2019)

 

C’est un curieux spectacle que de voir dans les rues ces cortèges de marcheurs fixant leur petit écran de façon totalement égocentrée et ne s’occu­pant de rien d’autre autour d’eux. On y soupçonne une vraie pathologie : on croirait voir les déambulations de schizophrènes éteints dans les couloirs d’un hôpital psychiatrique. On pense aussi, par association verbale et pour caractériser ces individus, à ces monades sans portes ni fenê­tres, enfermées en elles-mêmes et coupées totalement de l’extérieur, dont Leibnitz a parlé dans sa Monadologie.

 

C’est d’une vraie addiction qu’il s’agit. Viendraient-ils à être séparés de leur portable, à le perdre, qu’ils seraient totalement désemparés. Cette aliénation se nomme, au moyen encore d’un néologisme apparu en 2008, nomophobie, de l’anglais no mobile-phone phobia, désignant l’an­goisse d’être séparé de son téléphone mobile, prothèse qui protège. [v. Nomophobie]

 

On aurait pu penser que les moyens modernes de communication auraient pu rompre l’isolement des hommes. Mais c’est le contraire qui se produit. On consulte son petit écran, on pianote sur son clavier, et on ne voit pas le voisin à côté de soi. Il suffit d’en faire l’expérience dans un quelconque transport en commun, qui n’a plus de « commun » que le titre, les passagers perdus chacun dans sa bulle s’ignorant totalement les uns les autres. Évidemment la courtoisie n’y gagne pas.

 

Solipsiste et autistique, le zombie moderne a perdu cette belle convivialité dont parlait Ivan Illich. Et parfois comme dans le cas présent il risque sa vie – ou ce qui lui en reste...

 

Article paru dans Golias Hebdo, 20 juin 2019

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
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DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

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17 mai 2022 2 17 /05 /mai /2022 01:00

N

ous en sommes le cousin, depuis les découvertes de Darwin, et malgré ce qu’en disent encore les fondamentalistes bibliques. Les plus proches de nous sont les chimpanzés et les bonobos, qui sont eux-mêmes très proches morphologiquement les uns des autres. Mais non pas quant à leur comportement, et c’est ce qui m’occupe ici.

 

J’ai en effet vu récemment, les concernant, une émission documentaire passant sur Arte, qui analysait la structure sociale des deux groupes, et leurs façons respectives de se conduire.

 

Les chim­panzés sont patriarcaux, accordent une importance prédominante au statut social, et règlent les conflits surgissant entre eux par la violence.

 

Les bonobos au contraire, matriarcaux, ne manifestent pas d’agressivité, et gèrent les mêmes conflits en les apaisant au moyen de l’acte sexuel. La tension y est résolue tout simplement par l’orgasme, dont j’ai fait par ailleurs l’éloge. [v. Orgasme]

 

Entre les deux modes d’être il me semble qu’on ne peut hésiter : mieux vaut faire l’amour que la guerre (même si parfois on fait les deux à la fois !). Trop de rétention sexuelle mène à une frustration de l’individu, qui ne peut générer que la violence. Comme disait l’adage latin : Semen retentum venenum est – La rétention de la semence est un poison. Les bonobos y échappent donc, mais non les chimpanzés.

 

L’opposition du patriarcat et du matriarcat est aussi très significative. Traditionnellement, on dit que l’esprit de compétition, le désir de s’affirmer, et évidemment parfois par le combat, est transmis par le père. Cela peut aboutir à la destruction de l’autre. Au contraire, la mère incarne l’accueil inconditionnel, dont ferait partie pour chacun non pas la défense jalouse et acharnée de son propre corps, mais son don libéral, l’échange avec l’autre.

 

Si maintenant on songe qu’il y a des religions patriarcales, et au premier chef les trois religions abrahamiques (judaïsme, christianisme, et islam), on peut en tirer la conclusion qu’elles sont potentiellement plus violentes que les religions matriarcales.

 

Il y a bien sûr des exceptions : certaines paroles de Jésus par exemple sont bien « féminines » d’inspiration. Et il y a même un Jésus « mère-poule », abritant ses poussins sous ses ailes (Matthieu 23/37 ; Luc 13/34).

 

Les religions patriarcales séparent l’homme de ses instincts profonds. Le Père y incarne la Loi, via la Parole, dont la fonction est précisément la séparation d’avec les pulsions. Il est absurde de les récuser en bloc. Mais quand elles ont montré leurs limites, on comprend qu’on puisse se tourner vers les religions de la « Grande Mère », qui ne poussent pas l’homme à agir pour s’affir­mer, mais à être en harmonie avec les grands rythmes du monde, dont l’exercice de la sexualité est une manifestation majeure.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 24 avril 2014

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
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15 mai 2022 7 15 /05 /mai /2022 01:00

Elle caractérise souvent les résultats auxquelles aboutissent nos actions, même animées des meilleures intentions. Ainsi l’invasion de l’Ukraine par l’armée de Vladimir Poutine est en passe d’aboutir à des résultats opposés à ceux qu’escomptait obtenir le Président russe. Il pensait museler facilement l’Ukraine, et il se heurte à des difficultés telles qu’on ne voit pas la guerre gagnée pour lui. Il comptait que l’Europe se diviserait face à son entreprise, et au contraire elle s’est liguée ensemble contre lui, le mettant pour longtemps au ban des nations démocratiques. Il voulait éloigner et affaiblir l’OTAN, et c’est le contraire qui s’est produit, au point que des pays comme la Finlande désormais, demain la Suède, et sans doute encore d’autres, veulent ou voudront intégrer cet organisme. Bref sur toute la ligne il a abouti au contraire de ce qu’il cherchait. Comme un boomerang, les conséquences de ce qu’il a voulu lui reviennent sans pardon.

 

C’est d’ailleurs là une caractéristique inhérente à toute action. Les aboutissants d’un acte sont toujours imprévus au départ, et contredisent bien souvent le but recherché. La Tragédie grecque le montre bien, par exemple avec le cas d’Œdipe : il crée son destin en voulant l’éviter, et ainsi tue son père et épouse sa mère. Telle la mouche prise dans une toile d’araignée : plus elle se débat, plus elle est prise. Ou bien quand on est pris dans des sables mouvants : il ne faudrait pas bouger, mais en le faisant on s’enfonce davantage.

 

La chute d’une pierre au centre d’un étang engendre des vagues qui vont grandissant jusqu’à la rive, et la dernière vague est sans commune mesure avec l’élément initial déclenchant. L’or pur se change en plomb. L’Ours de La Fontaine casse la tête de son ami le jardinier en voulant écraser une mouche qui s’est posée sur le nez de celui-ci durant sa sieste. Cet Ours était animé des meilleures intentions, mais il a commis une faute (l’hamartia grecque) par irréflexion.

 

Quand nous agissons, nous devons nous souvenir de ces lois tragiques. On peut essayer l’agir sans agir (wou-wei) de Lao-Tseu, c’est-à-dire l’agir avec distance, sans focalisation sur le résultat. Ou tout simplement parfois ne pas agir du tout. Un précepte médical ancien disait : Quieta non movere – Ne pas toucher ce qui est tranquille. Pourquoi Vladimir Poutine ne s’en est-il pas souvenu, avant d’agresser l’Ukraine qui ne lui faisait rien ?

 

La rose n’a d’épines que pour qui veut la cueillir.

 

L'Ours et l'amateur des jardins (La Fontaine) - D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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